De plus en plus inventive et performante, la médecine devient parfois invasive et peut provoquer l'apparition d'effets indésirables. Parmi ces risques, figure celui d'une douleur persistante à l'occasion d'un examen, après la prise d'un médicament ou à l'issue d'un geste chirurgical. Il s'agit d'une douleur « iatrogène ». Lorsque cette douleur devient chronique, elle est mal supportée par un patient qui espérait guérir et se retrouve à nouveau malade.
La chirurgie et la traumatologie sont les causes principales des douleurs iatrogènes. La physiopathologie du phénomène reste mystérieuse. Toutefois, il semblerait que la section de fibres nerveuses et l'ischémie d'un territoire anatomique liée à une section vasculaire jouent un certain rôle dans l'apparition des symptômes.
Brûlure, piqûre ou fourmillement
Ces douleurs persistantes et rebelles, du genre brûlure, piqûre ou fourmillement, sont souvent méconnues des médecins.
Elles sont prises pour des douleurs psychogènes et provoquent de fréquentes dépressions chez les patients. De plus, elles peuvent être confondues avec une récidive de la pathologie traitée et provoquer des erreurs de diagnostic. Leur prise en charge nécessite donc une identification précoce.
Le diagnostic repose sur la mise en évidence de troubles de la sensibilité, grâce, par exemple, au rouleau de Lindblom qui permet d'identifier les seuils de perception thermiques et donc de délimiter les contours de l'hypoesthésie. Parfois, l'allodynie peut être extrême et dépasser le territoire du nerf lésé. Elle est mécanique (action de l'air sur la peau ou réaction au toucher). Le diagnostic est plus difficile quand il s'agit d'une lésion sélective de la branche profonde du nerf, car il n'existe pas, alors, de trouble de la sensibilité.
Certains nerfs sont plus fréquemment atteints, tels le nerf alvéolaire inférieur lors d'interventions dentaires, le nerf intercosto-brachial après un geste chirurgical pour un cancer du sein, le nerf iléo-inguinal à l'occasion d'une chirurgie endoscopique, le nerf saphène en cas de stripping, ou encore le nerf malléolaire après une neurolyse du tunnel tarsien.
La douleur peut être consécutive à la section d'une branche nerveuse mais peut aussi découler de la compression provoquée par la cicatrice, ou encore être due à des adhérences postopératoires. En général, elle n'est pas liée à la technique chirurgicale. Toutefois, lors de certaines interventions, des techniques semblent moins risquées que d'autres. Par exemple, il est prouvé que lors d'un stripping de la veine saphène longue, l'abord inférieur provoque moins de lésions du nerf saphène.
La prévention reste le plus efficace des traitements
Les antiépileptiques sont souvent prescrits. Ils s'attaquent en effet avec succès au mécanisme physiopathologique de l'hyperactivité neuronale. Quand ils ne sont pas efficaces, la chirurgie peut être utile mais seulement pour des indications précises : lorsqu'il existe une compression et que le nerf est pris dans la cicatrice ; ou lorsqu'il existe une section nerveuse récente. La neurostimulation spinale peut, dans 30 % des cas, produire un bénéfice immédiat, mais il existe souvent une récurrence à long terme. Enfin, des injections intrathécales de morphine peuvent être prescrites.
Toutefois, si ces traitements ont parfois du succès, la prévention reste le meilleur des traitements. Pour cela, il faut éviter tout geste médical ou chirurgical non indispensable, ne pas pratiquer d'arthroscopie intempestive, informer les patients des risques courus, sensibiliser le corps médical, et surtout savoir reconnaître les symptômes lorsque la douleur est installée.
D'après une conférence du Dr Paolo Marchettini (Centre de médecine de la douleur de l'hôpital San Raffaele, Milan) lors de la 2e conférence internationale de l'Institut UPSA de la douleur.
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