L'ASSASSINAT de François Santoni met-il un terme aux accords de Matignon ? Le refus du gouvernement de céder au crime est tout à fait compréhensible. Réviserait-il sa politique pour la Corse qu'il accorderait une prime à la violence.
Mais il ne serait pas le premier à le faire. Des gouvernements précédents ont inclus la violence corse dans leur analyse, ou n'ont pas su rétablir l'ordre dit républicain alors que des milices armées et cagoulées livraient leur message à la presse, ou n'ont pas eu le courage politique de la répression.
Les concessions accordées aux nationalistes dans le cadre des accords de Matignon étaient d'ailleurs destinées à apaiser les esprits les plus bouillants. Lionel Jospin a cru que des mesures exceptionnelles, qui donnent à la Corse des droits spécifiques, feraient taire les armes. Il s'aperçoit aujourd'hui qu'il n'en est rien.
C'est pourquoi il ne peut empêcher les partisans d'une République indivisible de tirer parti de l'assassinat de Santoni et de dénoncer une fois encore les accords de Matignon. Hostiles à une évolution de la Corse qu'ils considèrent comme une dérive vers l'autonomie et peut-être vers l'indépendance, les « républicains », de Jean-Pierre Chevènement à Charles Pasqua, opposent leur propre nationalisme aux nationalistes corses.
M. Jospin leur répond en substance que, si l'on veut garder la Corse dans le giron national, il faut laisser les Corses gérer leurs propres affaires. Et il s'appuie sur des précédents, par exemple celui de la Catalogne, région espagnole qui n'a jamais été aussi calme et intégrée à l'Espagne que depuis qu'elle dispose de son autonomie.
Le Premier ministre pouvait gagner son pari, assez risqué, si on lui en donnait le temps. Malheureusement, les nationalistes corses les plus enragés pressent plus vite sur la détente qu'ils ne jugent les progrès accomplis par leur cause. On s'interroge d'ailleurs sur l'intégrité de cette cause. Le moindre conflit de tendances à l'intérieur de groupuscules se traduit par des assassinats. Il n'y a pas, dans le mouvement nationaliste corse, de culture de la négociation et du rassemblement. De sorte que ceux qui sont si prompts à tuer leurs propres amis politiques servent moins l'idée d'une Corse « libre » que leur désir de pouvoir. Dans l'élimination systématique et rituelle de nationalistes par d'autres nationalistes, c'est l'indépendantisme corse qui se discrédite un peu plus chaque jour. La question n'est donc pas de savoir si ce nouvel assassinat doit entraîner une révision de la politique du gouvernement en la matière ; elle porte sur le transfert de pouvoirs à des gens qui apparaissent davantage comme des irresponsables que comme des cerveaux politiques et qui seraient en définitive les seuls récipiendaires de ces pouvoirs dès lors qu'ils auront éliminé les plus sages d'entre eux.
Pour la plupart des Français, le cas corse demeure très mystérieux. Ils ne voient pas ce que désire cette infime minorité corse qui applique la politique de la mitraillette, bien qu'elle ne représente qu'elle-même. Et qui, tout en s'attaquant au pouvoir central, s'entre-déchire dans des règlements de compte sans fin. Quelles différences peuvent les opposer les uns aux autres avec tant de passion qu'ils s'entre-tuent ? Chez eux, où finit le raisonnement politique et où commence le crime ? Les querelles intestines qu'ils invoquent ne sont-elles pas prétexte à une conquête personnelle du pouvoir par la violence et ne sont-ils pas très loin de s'intéresser au sort de la majorité corse ?
Certes, ce n'est pas à eux que le gouvernement veut donner les instruments de l'autoadministration. Mais il ne peut pas jurer non plus qu'ils ne finiront pas par s'en emparer après avoir liquidé les moins violents des Corses.
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