Douillet ou dur au mal, ce serait écrit dans nos gènes

Publié le 20/02/2003
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De notre correspondante
à New York

« Les volontaires porteurs des deux copies de la forme val du gène de la catéchol-O-méthyltransférase (COMT) résistent bien mieux à la douleur que les autres, et signalent ressentir moins de douleur et d'émotions négatives liées à la douleur », commente le Dr Jon-Kar Zubieta, de l'université du Michigan, qui a dirigé la recherche. « Cette variation génétique fréquente semble influencer assez nettement la réponse des individus à la douleur, tant dans leur réponse neurochimique qu'affective et leurs états affectifs internes. Nos résultatsjoints à ceux d'autres groupes, soulignent la nécessité de considérer la douleur et, en particulier, la douleur prolongée ou soutenue, physiologiquement plus importante, comme le résultat d'interfaces complexes entre la lésion et notre propre capacité à réguler sa sévérité et son importance. »

On sait que les réponses à la douleur et à d'autres formes de stress sont réglées par des interactions entre diverses zones cérébrales et plusieurs systèmes neurochimiques. Aussi, élucider l'influence des gènes sur ces processus régulateurs n'est pas tâche facile.

La catéchol-O-méthyltransférase

Zubieta et coll. se sont intéressés au gène COMT (catéchol-O-méthyltransférase). Il code pour l'enzyme qui dégrade rapidement les catécholamines (dopamine et noradrénaline) dans les synapses cérébrales, après que ces neurotransmetteurs aient envoyé leur signal. Une variation, fréquemment trouvée dans ce gène, en réduit son activité. Il s'agit d'un polymorphisme val 158 met, où une valine est remplacée par une méthionine en position 158 de l'enzyme. Les individus porteurs de deux copies « val » du gène ont l'enzyme la plus active, tandis que les homozygotes « met » ont l'enzyme la moins active. Les hétérozygotes val/met ont une activité enzymatique COMT intermédiaire.
Ainsi, les homozygotes « met », dégradant moins bien la dopamine, pourraient avoir une suractivité dopaminergique chronique. Chez l'animal, ce type d'hyperactivité entraîne une réduction du contenu neuronal en enképhalines, opioïdes endogènes qui diminuent les signaux de la douleur ou du stress en activant les récepteurs mu-opioïdes.
Les chercheurs ont donc examiné comment le polymorphisme val/met influence la réponse du système mu-opioïde à la douleur. Ils ont étudié 29 volontaires des deux sexes, âgés de 20 à 30 ans. Ils les ont exposé à un stimulus douloureux, faible et constant, provoqué par l'injection d'eau salée dans le masséter. Ils ont effectué un scanner fonctionnel (PET, ou tomographie à émission de positons) afin de visualiser le métabolisme cérébral des neurotransmetteurs. A l'aide de questionnaires standards, les sujets ont signalé ensuite comment ils avaient perçu la douleur.

Les homozygotes « met » tolèrent moins bien

Leurs résultats concordent parfaitement avec les prévisions. Les homozygotes « met » (enzyme COMT moins active et hyperactivité dopaminergique) tolèrent une moins grande quantité d'injection douloureuse que les homozygotes « val ». Leur système mu-opioïde est moins activé dans de nombreuses régions cérébrales. Ces sujets signalent aussi une perception plus intense de la douleur et ont davantage d'émotions négatives. Des effets opposés sont observés chez les homozygotes « val ». Quant aux hétérozygotes val/met, ils sont intermédiaires sur toutes ces mesures.
« Le polymorphisme val 158 met du gène COMT influence donc l'expérience humaine de la douleur et pourrait sous-tendre les différences entre les individus dans l'adaptation et la réponse à la douleur, ainsi qu'aux autres formes de stress », concluent les chercheurs.

« Science », 21 février 2003, p. 1240.

Dr Véronique NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7279