«NOUS SOMMES TRÈS pessimistes, et même assommés.» Ainsi parle Michel Antony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux de proximité. En faisant part la semaine dernière de son souhait de «forcer» le pas en matière de restructurations hospitalières (« le Quotidien » du 7 juin), la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a fait aux protecteurs des petits établissements l'effet d'une douche froide.
Michel Antony souligne que la surprise a été d'autant plus grande que «Nicolas Sarkozy avait défendu la proximité pendant la campagne» et que «son discours de Dunkerque n'avait pas été ravageur pour les petits hôpitaux» (« le Quotidien » du 24 mai).
Hasard du calendrier, l'association qui bataille depuis plusieurs années pour la sauvegarde de la maternité de Clamecy, dans la Nièvre, organisait samedi dernier une nouvelle manifestation. Plusieurs centaines de personnes – 600 selon la police, entre 1 500 et 2 000 selon les organisateurs – ont répondu à son appel. Parmi elles, des usagers venus de quelque 155 communes du sud de l'Yonne et du Haut-Nivernais, mais aussi des élus – maires, conseillers généraux et même parlementaires. Le sénateur-maire PS de Château-Chinon, le Dr René-Pierre Signé, était, par exemple, de la partie. Interrogé par l'AFP, le député socialiste de la Nièvre, Christian Paul, soutenait lui aussi le mouvement au nom du refus de «l'hypercentralisation hospitalière» : «Si la maternité (de Clamecy) ferme, explique-t-il, les jeunes femmes du Morvan auront plus d'une heure et demie de route pour aller accoucher. (...) Au-delà de l'isolement géographique des territoires, nous ne voyons pas pourquoi l'on fermerait une maternité citée comme exemplaire pour la qualité des soins assurés.»
Via les Sros 3 (les derniers schémas régionaux d'organisation sanitaire), la maternité de Clamecy, 200 accouchements par an, se croyait sursitaire au moins jusqu'en 2011 pour cause de situation géographique particulière. Un rapport de la Drass relatif aux normes de sécurité est venu fissurer cette belle assurance.
Branle-bas de combat.
Constatant qu'il manque à l'établissement un poste de sage-femme et qu'un pédiatre fait également défaut, ce document préconise le transfert de la maternité de Clamecy vers la clinique privée de Cosne-sur-Loire (Nièvre). Branle-bas de combat chez les défenseurs de la maternité qui n'en sont pas à leurs premières passes d'armes – l'association des usagers des services de santé du Haut-Nivernais (Ausshn), 100 adhérents, existe depuis neuf ans. Ils dénoncent des informations «honteusement détournées», mobilisent leurs troupes, alertent les élus. En pleine campagne électorale, ils se souviennent que Roselyne Bachelot est originaire de Nevers, cherchent à la joindre par l'intermédiaire de la candidate UMP de la circonscription, Brigitte Freytag. Du coup, à Clamecy, peut-être plus encore qu'ailleurs, la volonté soudain affichée par la ministre de la Santé d'accélérer les recompositions a fait l'effet d'une bombe. Et donné un coup de fouet à la détermination des défenseurs de la maternité. «Nous sommes un cas géographique, les rapports le disent depuis dix ans, insiste Laure Stengel, responsable de l'Ausshn. Imaginons une femme enceinte de cinq mois. Elle a mal au ventre. Nous somme samedi soir, la maternité de Clamecy n'existe plus. Il faut faire une échographie, il n'y a plus de matériel sur place. Qui va la prendre en charge? Disons que le Smur existe –pour l'instant, ce n'est pas le cas. Oui, mais il est occupé, un homme a fait un infarctus. Que fait-on alors? On appelle le Samu d'Auxerre, il met du temps à arriver et à repartir. Quel sera le budget de ce genre d'intervention? Je suis chef d'entreprise et je me pose la question: va-t-on réellement faire des économies en déplaçant ces femmes? Pour l'instant, aucune statistique n'évalue le coût de l'aggravation du risque.» Quant aux arguments sécuritaires, Laure Stengel les réfute : «A Clamecy, les sages-femmes suivent en moyenne 50accouchements par an. Au CHU du Dijon, elles en suivent 40 et la moyenne nationale est de 47.»
Les comités de défense des petits hôpitaux – ils sont aujourd'hui particulièrement en alerte à Ambert, à Lannemezan, à Clamecy et à Ivry – en sont convaincus : l'heure est grave. «Nous voulions que le gouvernement fasse un moratoire sur les fermetures. Nous pouvons mettre une croix sur cette idée puisque nous voici face à une ministre de combat dont les déclarations sont effrayantes pour les gens de terrain», explique leur coordonateur national Michel Antony. Décidés à riposter, les comités annoncent d'ores et déjà qu'ils vont monter des dossiers pour obtenir un maximum de labels d'associations d'usagers, ce qui leur permettra, entre autres, de siéger dans les conseils d'administration des hôpitaux menacés.
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