En 1974, j’étais médecin et j’effectuais le remplacement d’un confrère de garde. Je venais d’être appelé par une famille afin d’examiner leur jeune enfant de cinq ans en pleine détresse respiratoire. Suspectant après auscultation que le problème n’était pas bénin je fis appel au SAMU. « Bonjour, me dit le médecin régulateur, vous ne pouvez rien faire de mieux que de déranger les urgences pour un enfant qui tousse ? » Pour ce médecin du SAMU, un diagnostic évident s’imposait, il n’y avait aucune urgence. Et ce, sans avoir vu le jeune patient, sans l’avoir ausculté, sans avoir parlé aux parents et sans écouter le diagnostic posé par un jeune confrère, qui lui était sur place.
Et il n’entendait pas revenir sur ses conclusions décisionnaires, qui se révélèrent par la suite gravement hâtives et erronées. En tant que médecin de garde, je refusais ce jour-là le moindre dédommagement de visite à domicile de la part de cette famille qui se trouvait dans un état de perturbation émotionnelle intense. Puis l’enfant fut mis sous oxygène, améliorant à tel point son état que le service d’accueil de l’hôpital recevant un enfant à la peau devenue bien rosée, n’avait pas compris le commentaire méprisant de « fausse alerte de la part d’un jeune médecin généraliste de garde » avancé par le régulateur du SAMU. De ce fait le service des urgences de l’hôpital, ne comprit pas toute l’urgence de la situation. Le fait d’avoir tardé à agir nécessitera un transfert en hélicoptère sanitaire pour admission dans un service pédiatrique.
Malheureusement, cette attente trop prolongée, malgré l’urgence signifiée à plusieurs reprises par le médecin de garde que j’étais, eut des conséquences dramatiques puisque l’enfant ne survécut pas assez longtemps pour entrer dans le service spécialisé qui aurait pu lui sauver la vie. Le diagnostic établi sera celui de complication d’une coqueluche, que j’avais pourtant évoquée, hypothèse renforcée face à l’absence de trace de vaccins sur un carnet de santé inexistant. Cet enfant fut la victime innocente de ce que l’on appellerait encore de nos jours une « double peine » : manque de suivi médical depuis la naissance, et pas de vaccin. Donc pas de protection. Et mise en contact avec un SAMU non compétent. À l’époque l’explication justificative du SAMU sera consternante : « Comment peut-on accorder un quelconque crédit aux dires venant d’un très jeune médecin, qui ne connaît pas le patient et qui n’a pas accès à son carnet de santé ? » No comment.
Ce témoignage est condensé. Il est issu du livre à paraître du Dr Philippe Baudon « Médecin Lève-toi ».
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