SI L'AMELIORATION du pronostic vital constitue le but premier en matière de cancer, l'objectif second, lorsqu'il s'agit d'une lésion du bas rectum, concerne la préservation de la fonction sphinctérienne. Ce deuxième point, qui touche à la qualité de vie du patient, peut bénéficier des résultats d'un travail français randomisé, publié dans l'édition de juin du « Journal of Clinical Oncology ». Sous la signature de Jean-Pierre Gérard (centre Antoine-Lacassagne, Nice) et coll., les spécialistes de plusieurs centres hospitaliers y rapportent l'intérêt d'une radiothérapie préopératoire à forte dose, en deux temps. En réalisant une irradiation endocavitaire de l'adénocarcinome, deux semaines avant une radiothérapie externe, ils ont pu éviter un anus iliaque à 76 % des patients ainsi traités, contre 44 % chez ceux n'ayant pas subi la radiothérapie in situ.
6 cm au plus de la marge anale.
Cet essai randomisé, baptisé Lyon R69-02, a été mené auprès de 88 patients porteurs d'une tumeur du bas rectum, stade T2 ou T3. Ils ont été enrôlés entre avril 1996 et juin 2001 dans plusieurs centres hospitaliers français (essentiellement le service du Dr P. Romestaing, Hospices civils de Lyon). La limite inférieure de la tumeur devait se situer à 6 cm au plus de la marge anale et ne devait pas concerner plus des deux tiers de la circonférence du rectum. Les patients ont été répartis, au hasard, en deux groupes semblables. Tous ont reçu une irradiation externe préopératoire délivrant au total 39 Gy en 13 fractions sur une période de 17 jours. L'un des deux groupes a bénéficié de plus, avant l'irradiation externe, de trois séances de radiothérapie de contact par rayons X délivrant une dose complémentaire de 90 Gy, ciblée sur la tumeur. L'objectif final était d'évaluer le taux de préservation de la fonction sphinctérienne.
Les auteurs précisent qu'une brachythérapie (implants locaux par aiguilles d'iridium-192) était possible, si besoin, un mois après la fin de la radiothérapie. De même, les thérapeutes ont pu, en cas de besoin, associer une chimiothérapie.
74 % ont conservé leur sphincter.
Sur les 43 patients traités uniquement par irradiation externe, 18 (40 %) ont pu éviter la colostomie permanente. Succès chez les 45 ayant reçu la double radiothérapie, puisque 30 d'entre eux (74 %) ont pu conserver leur fonction sphinctérienne (p = 0,04). Bénéfice supplémentaire, chez 11 patients, le traitement endocavitaire a permis d'obtenir la disparition clinique totale de la tumeur rectale, la pièce opératoire était stérilisée dans 40 % des cas. Un réponse clinique complète a été obtenue dans 24 % contre 2 % des cas et une stérilisation avec peu de cellules résiduelles est survenue dans 57 % des cas contre 34 %. Dernier apport de la double irradiation, dans trois cas le chirurgien a pu limiter le geste opératoire à une exérèse, sans laparotomie. « Ce qui ouvre avec prudence une voie nouvelle vers une conservation non seulement du sphincter mais du rectum assurant une qualité de vie encore améliorée »,<\!p>espèrent les auteurs. La dose complémentaire n'a pas entraîné de toxicité pour les patients, ni de complication pour les opérateurs.
Les médecins français relèvent trois limites à leur travail. Il ne compte que 88 sujets, même si ce nombre est jugé suffisant d'un point de vue statistique.
Une brachythérapie.
Ensuite, ils constatent que 23 patients ont reçu une chimiothérapie adjuvante. Comme ils sont également répartis entre les deux groupes de l'essai, il est probable que le traitement n'a pas influé sur les résultats. Enfin, 6 des 88 sujets ont reçu une brachythérapie, qui, même si elle était prévue dans le protocole initial, a pu fausser l'analyse finale.
D'autres limites existent, elles sont pratiques. « Bien que la technique par mise au contact de rayons X soit accessible à n'importe quel radiothérapeute ayant une expérience dans le cancer rectal, elle n'est pas largement utilisée. Il n'y a que 2 ou 3 centres aux Etats-Unis et 10 en Europe susceptibles de l'utiliser, essentiellement parce que la machine de 50kV n'est plus fabriquée », déplorent les spécialistes. « De plus, les appareils de contact existant actuellement ont été fabriqués dans les années 1970 par la société Philips et sont actuellement à la limite de leur durée de fonctionnement ainsi que de leur validité technique et réglementaire. Pour qu'un nombre plus grand de malades puisse bénéficier de ce progrès thérapeutique, il est important qu'un partenaire industriel s'investisse. » Une société française a commencé une action dans ce sens.
« Journal of Clinical Oncology », vol. 22, n° 12, 15 juin 2004, pp. 2404-2409.
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