> Classique
UNE FOIS n'est pas coutume, le festival s'est ouvert avec un spectacle relativement décevant : « la Flûte enchantée » de Mozart. En vingt-six saisons de festivalier, nous avons pu y applaudir celle de John Cox dans les délicieux costumes de David Hockney en 1978 et, beaucoup moins iconoclaste que ses mises en scènes mozartiennes américaines, celle de Peter Sellars en 1990. Cette année, c'est le metteur en scène britannique Adrian Noble, bien connu pour son travail sur Shakespeare, qui officiait avec la complicité d'Anthony Ward, dépouillant l'opéra de toutes ses références maçonniques et même de sa gravité. Sans trahir, certes, mais sans tenir compte de la complexité de l'œuvre.
Le résultat est assez plat, avec quelques bons moments, grâce notamment aux fantastiques animaux façon comédie musicale et aux éclairages raffinés de Jean Kalman, mais il déçoit beaucoup de la part de celui qui a réalisé un inoubliable « Retour d'Ulysse » de Monteverdi en 2000 au Festival d'Aix-en-Provence. Déception aussi avec la distribution, trop disparate. Avec un excellent Tamino, le ténor slovaque Pavol Breslik, et la très musicienne, à défaut d'avoir l'épanouissement nécessaire, Pamina de Lisa Milnes. Curiosité, Papageno était chanté par un jeune baryton-basse, Jonathan Lemalu, originaire de Samoa et né en Nouvelle-Zélande. Avec sa présence physique indéniable et sa voix vraiment trop sombre pour Papageno, il aurait certainement fait mieux dans Sarastro que le titulaire Peter Rose. Le seul élément indiscutablement réussi de la soirée était la direction de Vladimir Jurowski, qui, à la tête du si léger Orchestra of the Age of Enlightment, privilégiait la théâtralité et donnait malgré tout une cohérence à cette « Flûte » peu mémorable.
Cupidité et avarice.
Sans en abuser, le Festival de Glyndebourne raffole de ces « double bills » qui permettent d'entendre deux opéras dans la même soirée et de pratiquer dans ce haut lieu du pique-nique la formule entrée-plat principal-dessert, cette fois sur le thème de la cupidité et de l'avarice. Cette année, l'entrée était plutôt austère mais délicate pour les amateurs de raretés : « le Chevalier avare », un des trois opéras de Rachmaninov, composé d'après Pouchkine en 1904 et créé deux ans plus tard au Bolchoï de Moscou. Dans un décor assez sombre et convexe de Vicky Mortimer, la soirée était mise en scène par Annabelle Arden, deux nouvelles recrues pour Glyndebourne. L'intrigue est assez simple : un chevalier se voit refuser par son père riche et avare une aide financière ; il en appelle à l'arbitrage de son souverain mais son père ne survit pas à cette violente altercation. La pièce repose vocalement sur les épaules du père (rôle de basse créé par Chaliapine), chanté ici magistralement et avec des trésors de couleurs vocales par le Russe Sergei Leiferkuss. Le reste de la distribution, presque entièrement russe, ne déméritait pas et le chevalier (Richard Berkeley-Steele) comme le duc (Albert Schagidullin) étaient parfaits. Pour étoffer une action un peu mince, Annabel Arden avait imaginé d'y ajouter un figurant funambule, l'extraordinaire Matilda Leyser, qui se promenait dans les hauteurs, rampait sur les parois de ce décor aux allures carcérales comme une présence arachnoïdienne, sans que l'on puisse vraiment bien saisir le sens profond de ce personnage accessoire.
Après le long pique-nique où chacun était libre de ne pas respecter le thème imposé de la soirée, le dessert était plus méditerranéen avec « Gianni Schicchi », extrait de « Il Trittico » de Puccini. Située dans la concavité du décor précédent, l'acte puccinien était transposé à l'époque de sa création à New York en 1918. Beaucoup d'Italiens dans la distribution et, comme à Paris récemment (« le Quotidien » du 19 avril), c'est Alessandro Corbelli qui donnait un relief particulièrement réussi au personnage éponyme. Là encore, les plus grands éloges vont au chef russe Vladimir Jurowski, directeur musical du festival, et qui, pour sa troisième saison à Glyndebourne, cette fois à la tête du London Philharmonic Orchestra, a fait preuve de sa grande habilité de chef et d'un bel éclectisme devenu rare en ces temps de spécialisation forcenée.
Glyndebourne Festival Opera (00.44.1273.813813) et www.glyndebourne.com. « Puccini/Rachmaninov », jusqu'au 23 août, en alternance avec « Jenufa » et « Carmen » (reprises). « La Flûte » sera reprise au cours du festival 2005 qui annonce en outre deux nouvelles productions de « Giulio Cesare » de Haendel (Christie/McVicar), « Cenerentola », de Rossini (Jurowski/Hall), et des reprises de « Flight » de Jonathan Dove, « La Fiancée vendue » de Smetana, et « Otello » de Verdi.
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