Le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, qui défendait hier devant la représentation nationale son projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, l'a qualifié de loi « fondatrice ». Près de 100 ans après la première grande loi de santé publique datée de 1902, elle propose d'ouvrir, selon lui, de nouvelles perspectives dans ce domaine en reconnaissant notamment les droits de la personne malade et en construisant les bases « d'une démocratie sanitaire ».
« Jusqu'à présent, ces droits, quand ils existaient, relevaient d'une obligation déontologique des médecins. Ils dérivaient des règles de l'exercice médical. Les droits ne bénéficiaient aux malades que par rebond. Le nouveau texte s'adresse prioritairement aux malades, c'est un changement très profond que je qualifierai de philosophique », a plaidé le ministre délégué à la Santé.
La mesure la plus emblématique du projet de loi est à cet égard l'accès direct du patient à son dossier médical. Une mesure réclamée de longue date par les associations de malades, mais qui soulève de nombreuses interrogations au sein du corps médical. Bernard Kouchner en est conscient, précisant que « l'objectif de la loi est de consolider ou de rétablir la confiance entre les uns ou les autres. Ce n'est pas parce que l'on consacre les droits des patients que l'on prend partie contre les soignants. L'objectif n'est en rien d'alimenter un combat contre le pouvoir médical, mais de le dépoussiérer ».
L'autre disposition-phare de ce texte est la mise en place d'un dispositif global d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, y compris dans le cadre de l'aléa thérapeutique. Un dispositif qui constitue, selon la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, « une avancée capitale » dans la mesure où le système actuel « n'est satisfaisant ni pour les professionnels de santé ni pour les malades ».
En accord avec les intentions et les principes de la loi, l'opposition parlementaire n'a toutefois pas caché ses interrogations et ses critiques quant aux solutions proposées par le gouvernement en déposant deux motions de procédure. Toutes deux défendues par des professeurs de médecine, Jean Bardet, député RPR du Val-d'Oise, et Jean-François Mattei, député DL des Bouches-du-Rhône, elles ont mis en évidence les doutes et les interrogations du corps médical quant aux conséquences éthiques de l'accès direct du patient à son dossier médical et ont dénoncé le manque de moyens financiers consacrés à la santé. « Personne ne songe à contester les droits de la personne malade. Mais vouloir généraliser et, à plus forte raison, encadrer le type d'informations, la forme d'informations d'une manière valable pour tous et chacun, ne peut conduire qu'à l'effet inverse de celui espéré : la méfiance et le doute », a insisté le Pr Jean Bardet à l'occasion du débat.
Moyens insuffisants ?
Si le projet de loi correspond, selon le Pr Jean-François Mattei, a « de réels besoins et à une attente légitime, le gouvernement a choisi une voie qui bouleverse l'éthique de la relation médicale ». Le député des Bouches-du-Rhône a notamment regretté que cette relation médicale « bascule dans le juridique et le législatif », et a dénoncé la fiction que représente, d'après lui, le concept de démocratie sanitaire. « L'usager se voit investi d'une responsabilité qu'il n'est pas en état d'assumer car la relation malade-médecin ne se décrète pas et ne dépend pas de la seule volonté législative ; les associations d'usagers se voient investies de responsabilités qu'elles ne peuvent pleinement assumer n'ayant pas plus la légitimité de leur représentativité que la décision financière. Derrière ces alibis, c'est donc bien l'état qui reprend tous les pouvoirs », a expliqué le Pr Mattei. Pour les deux députés de l'opposition, cette démocratie sanitaire restera d'autant plus une fiction que les moyens financiers nécessaires à sa mise en uvre ne seront pas dégagés. « Ce dont ont besoin soignés et soignants ne réside ni dans un accès direct pour les uns, ni dans l'obligation tatillonne d'informations pour les autres, mais bien dans des réformes de structures permettant une augmentation de la qualité de soins ainsi que dans des moyens financiers permettant de régler la pénurie des médecins, d'infirmiers, de paramédicaux, que ce soit en ville comme à l'hôpital », a conclu le Pr Bardet.
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