Dans un rapport d'étape remis en janvier au ministre de la Santé (« le Quotidien » du 4 avril), le Pr Marius Fieschi préconisait des modalités de partage et d'accès aux données de santé (tant pour les patients que pour les professionnels les prenant en charge) utilisant les nouvelles technologies. Il insistait alors sur l'urgence à lancer des expérimentations capables d'évaluer ce type de projet. A la demande de Jean-François Mattei, il précise aujourd'hui les contours de ces expérimentations dans une note d'orientation remise au ministre.
Si l'auteur de ces propositions est un chercheur émérite en informatique médicale, il ne s'agit pas, pour lui, d'innover sous la seule impulsion du progrès technologique. Ses travaux sont cadrés par une double préoccupation, constante chez les pouvoirs publics : favoriser la coordination des soins, facteur de qualité, et répondre concrètement aux nouveaux droits des patients.
Egalement patron du DIM (département d'information médicale) de la Timone à Marseille, Marius Fieschi a privilégié une approche pragmatique qui consiste à organiser le rassemblement des données numérisées déjà produites par les professionnels de santé (libéraux et à l'hôpital), à les héberger sur des serveurs (mis en place par des sociétés agréées) et à donner au patient la maîtrise de la gestion des accès à ces données.
Un million de dossiers
Cette coordination passe, pour le professeur marseillais, par l'attribution d'une « adresse qualité santé » à chaque citoyen, adresse de messagerie électronique sécurisée dévolue aux seules données de santé. Afin de la tester et de l'évaluer sur des bassins de population suffisamment vastes et bien équipés en accès Internet à haut débit, il suggère de retenir les agglomérations de Marseille, Lille, Grenoble et Poitiers pour des projets pilotés avec « les trois structures régionales reconnues : l'ARH, l'URCAM et l'URML » (les agences régionales de l'hospitalisation, les unions régionales des caisses d'assurance-maladie et de médecins libéraux). Il estime que l'expérimentation pourra porter sur un million de dossiers patients au terme de sa montée en charge de trois ans, et concerner quelque 4 000 professionnels de santé. Parmi lesquels, il conseille - pour simplifier et surtout maîtriser les coûts - de solliciter avant tout les médecins référents, les médecins salariés, les laboratoires de biologie et les cabinets de radiologie libéraux.
Côté organisation, un comité d'orientation stratégique et de pilotage (COSPIL) devrait être mis en place sur la durée du projet, composé de représentants de toutes les parties prenantes (Etat, régimes d'assurance-maladie, professionnels, établissements, patients). Tandis qu'un conseil technique (comprenant des spécialistes en systèmes d'information de santé) aurait la mission d'établir les cahiers des charges, d'assister les promoteurs de projets et d'organiser l'évaluation. Mais la conduite opérationnelle devrait être de la responsabilité conjointe de l'Etat et de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), tous deux également financeurs de l'opération, l'assurance-maladie assurant la communication auprès des patients concernés, les URCAM se chargeant des appels d'offres correspondant à l'hébergement des données, et les ARH, de la sélection des établissements participants, en fonction de l'évolution de leur système d'information.
L'Etat et l'assurance-maladie seront financeurs
Dans son rapport d'étape, Marius Fieschi avait chiffré le budget nécessaire au projet à un total de 9 millions d'euros sur trois ans. Sa note d'orientation précise maintenant que le financement reposerait sur des dotations d'Etat (à travers les ARH) pour les établissements et l'adaptation des logiciels des professionnels de santé, ainsi que pour la mise en place des infrastructures logicielles chez les hébergeurs. A ces dotations devraient s'ajouter des crédits de l'assurance-maladie pour les autres lignes de coûts : pilotage, réalisation d'une enquête d'opinion auprès des professionnels et des patients, service d'hébergement du dossier et indemnisation des libéraux participants.
Cette note évoque un calendrier assez serré pour le lancement de l'opération, à commencer par la promulgation du décret fixant le statut des sociétés d'hébergement - sans lequel rien ne pourra commencer - que Marius Fieschi espère pour l'automne de cette année. Doivent ensuite s'enchaîner la réception des candidatures des hébergeurs à la labellisation et l'élaboration des cahiers des charges et appels d'offres, pour un démarrage des expérimentations en mai prochain.
Reste, bien sûr, au ministre et à la CNAM à valider ce qui n'est encore qu'une proposition. Puis, le cas échéant, à s'assurer de la motivation des assurés et des professionnels à s'engager dans un tel système de partage et de communication. D'où l'étape préliminaire, envisagée par Marius Fieschi dès la rentrée 2003, d'une enquête d'opinion menée dans les régions ciblées.
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