PRATIQUE
Devant une élévation modérée des ALAT, on envisagera les étiologies suivantes :
1) alcoolisme ;
2) hépatite virale chronique (B ou C) ;
3) hépatite médicamenteuse (et aussi phytothérapie, ou toxique industriel) ;
4) stéatose hépatique (en dehors de l'alcoolisme) ;
5) maladie génétique (hémochromatose notamment) ;
6) hépatite auto-immune ;
7) causes extrahépatiques.
1) Alcoolisme.
Les arguments en faveur d'une étiologie alcoolique sont cliniques et paracliniques.
a) Anamnèse (consommation déclarée d'alcool).
b) Les anomalies biologiques suivantes, bien que non spécifiques, sont, lorsqu'elles sont présentes, évocatrices d'une alcoolisation excessive. Elles concernent les transaminases, la gamma-glutamyl- transpeptidase (GGT), le volume globulaire moyen (VGM) :
i) deux notions concernent les transaminases elles-mêmes. D'une part, une augmentation plus marquée de l'ASAT (SGOT) que de l'ALAT (SGPT) (en sachant qu'une cirrhose, quelle qu'en soit l'étiologie, peut donner un profil semblable). D'autre part, leur profil évolutif, lorsqu'il existe une normalisation des transaminases au cours du sevrage ;
ii) élévation souvent très importante de la GGT (surtout en l'absence de cholestase, qui serait indiquée par une augmentation de la bilirubine conjuguée et des phosphatases alcalines) ;
iii) augmentation du VGM (macrocytose), surtout en l'absence d'anémie concomitante.
c) Rappelons que l'alcool peut entraîner trois types d'atteinte hépatique, pour le diagnostic desquelles il est parfois nécessaire d'avoir recours à une ponction biopsie du foie (PBF) :
i) stéatose (susceptible de régresser avec le sevrage) ;
ii) hépatite alcoolique (parfois grave) ;
iii) cirrhose (justifiant le dépistage de varices sophagiennes et du carcinome hépatocellulaire).
2) Hépatites chroniques virales
a) Deux virus peuvent entraîner une hépatite chronique, le virus B (VHB) et le virus C (VHC).
b) Il faut évoquer systématiquement cette possibilité (même en l'absence de symptômes, même en l'absence de facteur de risque évident), car il existe des traitements efficaces.
c) Au plan biologique, plusieurs points importants doivent être soulignés :
i) les transaminases ne sont souvent que modérément élevées (ce qui n'exclut ni une hépatite chronique active ni une cirrhose) ; ii) le diagnostic repose sur les sérologies virales systématiques que l'on prescrira comme suit. Pour le VHB : Ag HBs, anti-HBc (et parfois, en cas d'hépatite cryptogénétique, par exemple : ADN viral B). Pour le VHC, sérologie anti-VHC (et parfois, sujet immunodéprimé, par exemple (VIH) : ARN du VHC par PCR) ;
iii) les transaminases peuvent fluctuer, notamment au cours de l'hépatite C, il faut savoir les répéter plusieurs fois ;
iv) l'association à une sérologie VHC positive de transaminases normales ne permet pas d'affirmer la guérison de l'infection (il faut aussi au moins une PCR négative).
3) Hépatite médicamenteuse.
a) Il faut y penser systématiquement, notamment chez les patients âgés.
b) C'est cependant souvent un diagnostic qui nécessite d'avoir éliminé les autres causes possibles.
4) Stéatose.
a) C'est une cause courante d'augmentation modérée des ALAT et/ou de la GGT.
b) Les trois étiologies les plus fréquentes de la stéatose sont, en dehors de l'alcool, les suivantes :
i) surpoids (même modéré, en règle > 27 kg/m2) ;
ii) diabète ;
iii) hyperlipidémie (hypertriglycéridémie).
c) Le problème de la stéato-hépatite non alcoolique (Non Alcoholic SteatoHepatitis : NASH). Cette affection pose en particulier les problèmes suivants :
i) elle comporte parmi ses causes (multiples), les mêmes facteurs de risque que la stéatose décrite ci-dessus, mais prend l'aspect histologique d'une maladie alcoolique du foie (même chez des patients totalement abstinents) ;
ii) elle peut comporter une fibrose, voire une cirrhose (environ 5 % des cas), qui en font toute la gravité.
5) Maladies génétiques.
Une est fréquente, deux autres sont plus rares.
a) Hémochromatose.
i) Il faudra penser systématiquement même en l'absence de tout autre argument classique et demander une saturation de transferrine (sidérophilline).
ii) Au delà de 45 %, on recherchera une mutation du gène de l'hémochromatose (gène HFE).
iii) La mutation homozygote C282Y est la signature d'une hémochromatose génétique, mais elle peut manquer.
b) On peut aussi rechercher :
i) un déficit en alpha-antitrypsine (alpha 1 globuline basse sur l'électrophorèse des protéines et baisse de l'alpha 1 antitrypsinémie) ;
ii) une maladie de Wilson (anomalies neurologiques, anneau de Kayser-Fleischer, céruloplasminémie basse).
6) Hépatite auto-immune.
Les principaux éléments en faveur du diagnostic sont les suivants :
a) sexe féminin, possibles manifestations extrahépatiques ;
b) hypergammaglobulinémie ;
c) présence d'autoanticorps. En sachant que :
i) ils ne sont pas constants ;
ii) ils ne sont pas spécifiques.
7) Quelles sont les maladies extrahépatiques (en dehors des affections musculaires, sources classiques d'augmentation des transaminases, en particulier de l'ASAT) susceptibles d'augmenter les transaminases ? On peut citer les causes suivantes ;
a) insuffisance cardiaque.
i) Une augmentation des transaminases (et de la GGT) est banale dans ce contexte.
ii) Elle est volontiers associée à une cholestase ;
b) maladies endocriniennes. Il s'agit des affections suivantes :
i) insuffisance rénale, que certains recherchent si besoin en réalisant un test au Synacthène, ou, au contraire, hypercorticisme ;
ii) dysthyroïdie (intérêt du dosage de la TSH) ;
c) maladie cliaque.
i) Cette maladie pourrait être la cause de 10 % des augmentations inexpliquées des transaminases (intérêt du dosage des anticorps anti-endomysium et anti-gliadine).
ii) On peut observer sa normalisation grâce au régime sans gluten.
d) Macro-ASAT.
i) C'est une cause rare d'élévation de l'ASAT.
ii) Il s'agit d'un complexe entre immunoglobuline et ASAT (semblable à la macro-amylasémie).
Il existe une inexactitude dans la proposition B)4)c)ii). En effet, la stéato-hépatite non alcoolique (NASH) peut évoluer vers la cirrhose dans une proportion de 15 à 20 % des cas (et non pas 5 %). Il semble qu'il s'agisse en fait d'une étiologie fréquente en cas de cirrhose dite « cryptogénétique .
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