PRATIQUE
Cet homme de 57 ans, enseignant, consulte en raison de la survenue apparemment spontanée semble-t-il de dorsolombalgies de tonalité mécanique ; celles-ci évoluent depuis près de trois mois. Dans ses antécédents, nous retenons l'existence d'une simple hyperuricémie non goutteuse faisant l'objet de quelques règles hygiénodiététiques, et une intoxication tabagique évaluée à 10 paquets-année.
L'état général est conservé. Les douleurs de tonalité mécanique ne s'accompagnent pas d'une irradiation, notamment de type intercostal, crural ou sciatique. Il existe un syndrome rachidien banal, modéré, avec à titre indicatif une distance doigts-sol de 15 cm. L'examen physique apparaît pauvre, sans anomalie, notamment l'examen abdomino-pelvien.
Les douleurs pour autant sont modestement soulagées par les antalgiques de palier I.
Les premières données biologiques sont tout à fait rassurantes : normalité de l'hémogramme, absence d'augmentation du taux de CRP (6 mg/l), normalité de la calcémie (à 92 mg/l) et du bilan phosphocalcique.
Les radiographies standards retrouvent une ostéocondensation assez diffuse, homogène, axiale (photos alpha, bêta, gamma). Vous évoquez une possible ostéocondensation d'origine congénitale.
Parmi les étiologies suivantes, laquelle peut-on évoquer en première intention ?
a) Ostéofluorose,
b) oxalose,
c) ostéomésopycnose,
d) ostéopétrose.
Réponse : d.
La fluorose correspond à une ostéocondensation acquise, rencontrée volontiers chez les sujets âgés, potomanes (eaux fluorées) ou recevant un traitement fluoré (avec souvent une insuffisance rénale associée).
L'oxalose primitive est une maladie rare conduisant à une insuffisance rénale terminale et justifiant le recours à l'hémodialyse.
L'ostéomésopycnose est une affection non exceptionnelle, autosomique dominante, souvent asymptomatique et responsable d'une ostéocondensation congénitale, axiale avec un aspect au rachis typique dit de vertèbres « sandwich ».
L'ostéopétrose ou maladie d'Albers-Schönberg est la plus fréquente des ostéocondensations congénitales. La forme récessive concerne l'enfant (forme potentiellement grave pouvant nécessiter une transplantation de moelle osseuse). Les formes dominantes, chez l'adulte, sont habituellement bénignes. Le diagnostic peut être tout à fait fortuit. Les principaux aspects radiologiques sont la condensation axiale avec vertèbres en sandwich, le crâne de face avec aspect en « loup de carnaval », et pour les os périphériques une condensation avec élargissement métaphysaire en massue. La biologie est habituellement normale et les complications sont tout à fait exceptionnelles.
Quel examen permet de confirmer le caractère congénital d'une telle ostéocondensation ?
a) Scintigraphie au technétium.
b) IRM du squelette axial.
c) Etude du polymorphisme du gène ostéocond.1.
d) Normalité du bilan phosphocalcique.
e) Analyse de radiographies standard antérieures.
Réponse : e.
La constatation sur des radiographies antérieures d'une ostéocondensation diffuse est certainement le meilleur et le plus simple moyen pour attester du caractère a priori congénital d'une ostéocondensation. La scintigraphie au technétium est habituellement normale. Il n'y a pas habituellement d'anomalie du bilan phosphocalcique. Le gène ostéocond. 1 n'a pas été décrit à notre connaissance...
L'analyse comparative des radiographies sous-jacentes montre dans une observation le caractère acquis de l'ostéocondensation.
(Photos a, a', b, b', c, c').
En cas d'ostéocondensation acquise, quelle hypothèse diagnostique devez-vous retenir en priorité ?
a) Sarcoïdose.
b) Ostéodystrophie rénale.
c) Lymphopathie maligne.
d) Ostéocancérose.
e) Mastocytose.
Réponse : d (métastases ostéocondensantes).
La sarcoïdose n'est que très rarement responsable d'ostéocondensations et plutôt ponctuelles, non diffuses. L'ostéodystrophie rénale à un stade évolué est responsable surtout d'une condensation des plateaux vertébraux donnant un aspect décrit sous le nom de « maillot de rugby ». Certains lymphomes hodgkiniens ou non hodgkiniens peuvent s'accompagner d'une atteinte ostéocondensante (plus volontiers des os longs). La mastocytose est le plus souvent responsable d'un aspect d'ostéoporose. Quelques formes condensantes ont été décrites, volontiers asymptomatiques. La mastocytose sera évoquée en présence par ailleurs d'un urticaire pigmentaire, d'une splénomégalie.
Les métastases ostéocondensantes sont fréquentes au cours des néoplasies prostatiques (photo u) (caractère condensant trois fois sur quatre), plus rares en ce qui concerne les autres néoplasies comme le sein (photos s, t) (la fréquence des métastases condensantes est de l'ordre de 10 %), les cancers bronchiques (f = 5 %). Bien d'autres néoplasies peuvent s'accompagner de métastases condensantes mais rarement d'une ostéocondensation diffuse : cancers vésicaux, thyroïdiens, rénaux... estomac, pancréas... tumeur carcinoïde.
D'autres affections peuvent être responsables d'ostéocondensations, là encore le plus souvent localisées comme le myélome et le POEMS syndrome, certaines myélofibroses...
Les douleurs présentées par le patient ont été considérées comme a priori des douleurs banales d'allure mécanique. Vous le revoyez trois mois plus tard en raison du caractère persistant et rebelle des douleurs rachidiennes. Celles-ci ont désormais une tonalité plutôt mixte et s'accompagnent surtout d'une altération progressive de l'état général. Intrigué, vous effectuez des radiographies de contrôle (photos N et O).
L'analyse comparative des radiographies doit vous conduire à évoquer un diagnostic : lequel ?
a) Tassement vertébral.
b) Fracture d'une apophyse transverse.
c) Spondylodiscite infectieuse.
d) Dégénérescence sarcomateuse.
e) Métastase osseuse.
Réponse : e.
L'analyse comparative des clichés permet de visualiser une disparition du pédicule droit de L4 (« vertèbre borgne ») avec ostéolyse débutante de l'hémivertèbre L4 (photos delta, epsilon) (particulièrement évidente chez ce sujet ayant une ostéocondensation acquise secondaire à une ostéopétrose).
Le diagnostic de lésions secondaires sera confirmé par la ponction biopsie percutanée. L'étude anatomopathologique mettra en évidence un envahissement par un tissu d'origine maligne a priori d'origine prostatique.
Les examens complémentaires confirmeront l'existence d'un néoplasme prostatique avec métastase osseuse.
Rappelons que la disparition d'un pédicule traduisant l'atteinte du mur postérieur doit toujours être considérée comme d'origine maligne jusqu'à preuve du contraire (métastase osseuse). En l'absence de néoplasie connue ou de preuve évidente de l'origine de la lésion métastatique, la ponction biopsie percutanée est aujourd'hui l'examen le plus performant pour l'enquête étiologique (indispensable avant instauration d'un traitement général et/ou local).
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