CHAQUE OLYMPIADE repousse plus loin les limites de la performance en matière de lutte antidopage. Turin, de ce point de vue, fera 45 % de mieux que Salt Lake City, qui, en 2002, avait déjà piégé plus de tricheurs que toutes les autres olympiades réunies. Quantitativement, ce sont 1 200 athlètes qui vont être testés, annonce le Dr Schamasch, soit 40 % des sportifs attendus dans la capitale piémontaise. Un poste de contrôle sera dressé sur chaque site, dans chaque village olympique et sur la place des Médailles. Chaque athlète qui termine parmi les cinq premiers du classement de chaque discipline de la compétition sera prélevé par un ACD (agent de contrôle antidopage), ainsi que deux autres athlètes choisis au hasard. Les échantillons, scellés dans un kit Bereg, seront acheminés au laboratoire flambant neuf de l’hôpital d’Orbassano, où a été transféré, pour la durée des Jeux, le laboratoire de Rome accrédité par l’Agence mondiale antidopage (AMA). Les résultats négatifs seront fournis sous 24 heures, les positifs étant annoncés dans les 48 heures, exception faite pour les EPO, qui nécessitent 72 heures.
Qualitativement aussi, l’étau se resserre sur les fraudeurs. «Au cours des cinq dernières années, précise Dick Pound, le président de l’AMA, nous avons dépensé 31millions de dollars; en conséquence, nous avons des tests de plus en plus performants pour détecter davantage de substances, y compris des stéroïdes de structure modifiée. Pour l’EPO, par exemple, nous avons des tests beaucoup plus sûrs, qui analysent le sang et pas seulement l’urine.»
Bras de fer olympico-italien.
Cela dit, commente le Dr Schamasch, «même si les méthodes sont sans cesse affinées, comme la méthode française de recherche de l’EPO, on ne va quand même pas réinventer la roue tous les quatre ans».
Les préparatifs médicaux de la 20e olympiade ont commencé dès 1999, mais le suspense aura duré jusqu’à la semaine dernière, dans le bras de fer qui a opposé les autorités italiennes aux instances olympiques au sujet des procédures antidopage. Finalement, le compromis conclu dispose que la loi italienne sera respectée en ce qui concerne les sanctions pénales éventuelles contre les sportifs fautifs, mais que c’est bien le code de l’AMA qui régira les modalités des contrôles. Le CIO redoutait en effet que la Commission de vigilance antidopage (CVA), instituée par le ministre italien de la Santé, n’organise les mêmes descentes de police musclées que lors des courses cyclistes, comme le Giro. Une « task-force » composée de membres du CIO, de l’AMA et du Toroc (Torino Organizing Committee) veillera aux opérations de contrôle et elle les diligentera sur la base de la liste des substances (anabolisants, hormones de croissance, bêta 2-agonistes, antiestrogènes et diurétiques) et des méthodes (amélioration du transfert d’oxygène, manipulation pharmacologique, chimique et physique, dopage génétique) que le code de l’AMA interdit. Le CIO autorise l’AMA à effectuer des contrôles en son nom ; il autorise également toutes les agences antidopage à procéder à des tests sur les athlètes placés sous leur autorité durant la période des Jeux.
Les athlètes courageux qui combattent les problèmes d’asthme…
Evidemment, les AUT (autorisations à usage thérapeutique) sont contrôlées de près. Comme le note sur un mode pince-sans-rire Dick Pound, «nous avons observé ces dernières années qu’il y a un nombre surprenant d’athlètes très courageux qui combattent des problèmes d’asthme et utilisent des médicaments contre cette maladie. Nous avons un comité international d’experts qui examine ces AUT et si nous jugeons qu’Untel ne souffre pas réellement d’asthme, nous refusons l’autorisation. Mais nous ne voulons pas priver d’un traitement les athlètes qui en ont besoin».
Pratiquement, les athlètes qui souhaitent utiliser des bêta 2-agonistes par voie inhalée ont adressé une demande au CIO, une seule prescription médicale établie par un pneumologue ou un médecin d’équipe qui notifie que l’intéressé souffre d’asthme et/ou d’asthme induit par l’exercice (ou de bronchoconstriction induite par l’exercice) ne constituant pas un critère recevable. «Nous avons mis en ligne une demande abrégée de glucocorticostéroïdes, pour simplifier la gestion administrative de ce dossier qui génère une énorme paperasserie, précise le Dr Schamasch. C’est un groupe de cinq médecins indépendants, présidé par le PrKen Fitch, un Australien, qui traite la centaine de demandes. La plupart obtiennent une suite favorable. Aux Jeux d’Athènes, par exemple, nous avons notifié 49refus sur un total de 600demandes.»
Le responsable de la commission médicale du CIO estime que la vigilance antidopage s’impose pour toutes les disciplines. Même «s’il existe des spécialités: il y a un risque d’utilisation de stéroïdes ou d’hormones de croissance dans des sports comme le bobsleigh, la luge ou le patinage, observe Dick Pound, tandis que l’EPO et les substances similaires sont plus employées dans les sports d’endurance comme le ski de fond. Mais nous pensions au début que des substances comme l’EPO étaient uniquement utilisées par les spécialistes du fond, ajoute le patron de l’AMA, en fait, elles sont même utilisées par des sprinters. Alors, maintenant, nous faisons des tests sur tout».
«Le combat n’est jamais gagné contre les mafias qui se sont emparées du dopage, confirme le Dr Schamasch. Depuis plusieurs années déjà, nous avons soulevé le problème de l’arrivée du crime organisé sur le marché noir des produits dopants et nous nous retrouvons d’accord avec l’AMA et Interpol pour mener le combat contre les réseaux qui trouvent beaucoup plus lucratifs et beaucoup moins risqué d’évoluer dans le milieu sportif plutôt que de se livrer au trafic de drogue.»
Selon le CIO, l’effort mondial consacré à la lutte contre le dopage s’élèverait à 60 millions d’euros. A rapprocher des 4 à 8 milliards d’euros du chiffre d’affaires estimé du dopage dans l’ensemble des sports de haut niveau.
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