QUAND ÉROS donne des ailes aux femmes, Thanatos n'a qu'à bien se tenir ! Car le désir de vie qui peut se concrétiser par un désir d'enfant apparaît très fort chez certaines femmes, même (sinon surtout) après un cancer du sein. C'est en tout cas ce que met en lumière l'AFACS, rare association regroupant à la fois gynécologues, cancérologues, radiologues et généralistes qui prennent en charge les femmes atteintes d'un cancer du sein, en lançant une enquête visant à mieux connaître ces femmes qui ont fait le choix, ou non, d'avoir un enfant suite à leur cancer. La France compterait aujourd'hui 400 000 femmes qui ont eu un cancer du sein, dont 7 % auraient moins de 40 ans et seraient restées fertiles. «Grâce à des traitements de plus en plus efficaces qui permettent d'améliorer la survie (98% de survie dans les cas détectés à un stade précoce) et de diminuer les effets secondaires touchant à la fertilité, le nombre de femmes en âge de procréer après une chimiothérapie augmente», explique Christian Jamin, président de l'AFACS. De nouvelles problématiques touchent ainsi les thérapeutes confrontés aux difficultés d'une vie sexuelle renaissante et aux désirs de maternité.
«Vouloir donner la vie après un cancer est une marque de bonne santé et de bien-être», affirme Marc Espié, cancérologue au Centre des maladies du sein à l'hôpital Saint-Louis, à Paris. Une envie qu'il faut cependant encadrer avec précaution, étant donné les risques de rechute possibles et les précautions à prendre pour la santé de l'enfant à venir. Le Dr Espié demeure néanmoins rassurant : il y aurait moins de risques de rechute et de décès chez les femmes qui ont une grossesse après leur cancer que chez les autres. «Sans doute parce que se fait une sélection naturelle des femmes qui ont de meilleurs pronostics.» Le délai à respecter pour envisager une grossesse serait de trois ans pour celles présentant un envahissement ganglionnaire. Pour les autres, «il n'y a pas de réelle raison de proposer de délais», ajoute le Dr Espié.
En couple : reprendre contact.
Pour le Dr Sylvain Mimoun, gynécologue et psychiatre à l'hôpital Cochin, à Paris, il est impératif de parler de sexualité avec une femme traitée pour un cancer du sein. « Ces femmes ont tendance à se replier sur elles-mêmes, mettant de côté leur sexualité», explique-t-il. Selon différentes études, 50 % des femmes mastectomisées auraient des troubles sexuels dans l'année qui suit, et seulement 20 % d'entre elles en parleront à leurs soignants. Confrontées à un sentiment de honte, certaines se sentent mutilées et gênées dans un corps qui ne semble plus leur appartenir. «La cicatrisation est souvent taboue. Les patientes ont du mal à la toucher et, par extension, leur mari aussi. Il s'agit donc de réapprivoiser cette zone, reprendre contact avec son propre corps», souligne le Dr Mimoun. Mais, même si les rapports au sein du couple prennent du temps avant de s'améliorer, la marque d'un intérêt sexuel chez la femme est déjà un grand signe de bonne santé, puisque, «dans l'imaginaire de la patiente, Eros succède à Thanatos», conclut Natacha Espié, oncopsychologue à Paris.
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