Les femmes sont devenues de plus en plus vulnérables lors des conflits. Des cibles. Les violences sexuelles (viol, enfantement forcé, esclavage sexuel, mutilation) sont mises désormais au service de politiques d'extermination. « Les femmes subissent une double peine, le silence imposé sur leur agression et parfois... l'enfant », déplore Karima Guenivet, auteur de « Violences sexuelles, la nouvelle arme de guerre » (éditions Michalon).
Les victimes restent des victimes, quel que soit leur sexe. Mais « il y a forcément des interventions spécifiques aux femmes », nuance Laurence Bourgeois, ULM (Unité de liaison des missions) Médecins du Monde. Première nécessité : ouvrir des consultations prénatales et natales, donner la pilule du lendemain, traiter les MST, distribuer des préservatifs.
Au-delà des soins, il faut proposer une prise en charge psychologique. Mot inconnu dans certaines régions du monde. Marie-Agnès Chaud, infirmière psychiatrique, s'est rendue en mission avec Médecins du Monde au Kosovo. Au sein de ses relais santé mentale, elle a été largement confrontée à la loi du silence qui pèse sur le viol. « J'ai compris qu'il ne fallait surtout pas les forcer à la parole », témoigne Marie-Agnès.
Lever les tabous
La mise au grand jour du drame qu'elles ont subi peut en effet se révéler un danger de mort pour elles. Il arrive que des femmes violées se suicident ou soient tuées par leurs frères. « Lorsque je décelais un traumatisme dû à un viol, je leur disais simplement qu'elles n'avaient rien à se reprocher. »
« Quand un homme saute sur une mine, il est considéré comme un héros et sa vie pourra au moins être reconstruite sur ça. Quand une femme est violée, on lui reprochera d'être survivante. Quelque part, elle l'aura voulu », constate Christine Saramito, journaliste à peine revenue de Tchétchénie.
Le personnel médical ne fait pas toujours le lien entre les symptômes présents et les événements passés. Ils traitent trop souvent des symptômes somatiques par un comprimé, sans approfondir. Il faut donc, et c'était l'une des mission de Marie-Agnès, former les professionnels de la santé à une écoute psychologique. Pour combler la pénurie de psychiatres dans le pays. Quinze seulement pour tout le Kosovo, c'est-à-dire pour deux millions de personnes. Et encore, ils sont concentrés dans la capitale, Pristina. Marie-Agnès s'est également adressée à certains chefs de village pour les inciter à écouter et à lever les tabous en libérant la parole de toutes les victimes.
« Le travail passe d'abord par les hommes », confirme Christine Saramito. « Les faire parler sur leur propre souffrance afin qu'ils puissent entendre celle de leurs femmes. » La reconstruction de la population passe avant tout par celle de la personne.
« Il faut travailler sur l'humanisation de la guerre en temps de paix. » Daniel Cahen, juriste de Médecins du Monde, insiste sur l'existence d'un droit international humanitaire très complet et sur le droit pénal qui condamne désormais la délinquance sexuelle dans les conflits. Les droits des femmes sont clairement énoncés dans les grands textes internationaux, notamment dans la Convention de Genève de 1949. Encore faudrait-il les voir effectivement appliqués. Les femmes sont garantes de la cellule familiale et de leur communauté tout entière. Une place plus importante dans les négociations de paix doit leur être accordée.
* Médecins du Monde, 62, rue Marcadet, 75018 Paris, 01.44.92.15.15, www.medecinsdumonde.org.
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