La circulaire de la direction générale de la santé (DGS), transmise via le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) en janvier aux gynécologues, n’en finit pas de faire des remous. Elle rappelle aux médecins qu’ils encourent 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende dès lors qu’ils transmettent à leur patiente une information sur une clinique ou un organisme étranger d’aide médicale à la procréation (AMP). Ces poursuites judiciaires peuvent s’appliquer même lorsqu’ils ne reçoivent pas d’argent de la part du centre étranger, ou que la patiente renonce à une telle démarche. Ils restent coupables d’entremise entre une femme et un centre qui ne respecte pas la législation française sur le don d’ovocyte (gratuité et anonymat).
« Je suis coupable »
Le Dr Jean Thévenot, président du Conseil de l’Ordre des médecins de Haute-Garonne et gynécologue-obstétricien dans une clinique toulousaine, clame sa culpabilité dans une lettre ouverte au CNOM et aux organismes représentatifs (CNGOF, SYNGOF, FNCGM...). « Je l’avoue publiquement. Je suis coupable. Régulièrement », écrit-il.
Et de raconter que face à des patientes confrontées à des mois d’attente pour des dons d’ovocytes, ou qui sollicitent des « AMP qui ne se pratiquent pas près de chez nous », il explique que différentes pratiques existent ailleurs. Les patientes se débrouillent pour trouver sur internet les adresses. « Je n’en ai jamais retiré aucun bénéfice, en tout cas financier. Le seul bénéfice que j’en ai retiré est la satisfaction de voir les visages heureux de mères ou de parents comblés (...) parce qu’à Barcelone, Madrid, Saint-Sébastien ou ailleurs, une équipe médicale européenne a violé la loi française en permettant à une Française hors la loi de vivre enfin une maternité tant attendue. »
Le Dr Thévenot compare la circulaire de la DGS aux menaces que recevaient les gynécologues qui pratiquaient des interruptions volontaires de grossesses alors qu’elles étaient encore interdites en France et s’alarme de ses conséquences sur les vocations de spécialistes.
Il demande au CNOM, aux syndicats et au collège de lancer une réflexion sur la pratique des gynécologues obstétriciens.
Inefficacité du système de dons
Le Dr Jean Thévenot a reçu le soutien de l’Union française pour une médecine libre (UFML). Les médecins pigeons demandent en outre le retrait de la circulaire, jugée « indigne et insultante ».
Sans aller jusque-là, le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF) précise sa position sur les conditions du don d’ovocytes. Il rappelle, en se fondant sur un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de février 2011, qu’entre 1 500 et 6 000 couples ont un besoin médicalement justifié de dons de gamètes. 80 % d’entre eux s’orientent vers l’étranger, faute d’une prise en charge dans des délais raisonnables.
Le SYNGOF renvoie donc la balle dans le camp des pouvoirs publics et de la sécurité sociale, qu’il juge responsables de cette fuite en avant vers l’étranger, faute d’avoir réussi à organiser l’AMP en France. « Ils ont même participé à son organisation en proposant une aide financière de la sécurité sociale à cette prise en charge hors du territoire, sans critères particuliers sur le choix des centres étrangers », poursuit-il.
Le SYNGOF demande la refonte du système efficace d’AMP en France, avec de nouvelles techniques, comme la vitrification ovocytaire, et une ouverture plus large aux centres privés, parallèlement aux CECOS.
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