LE QUOTIDIEN - Pourquoi mettez-vous en place ce comité consultatif ? Répondez-vous à un besoin de l'agence ou à l'attente des urgentistes ?
DOMINIQUE COUDREAU - Nous faisons d'une pierre deux coups. A l'agence, on nous interpelle très régulièrement à propos de l'urgence (une bonne moitié du courrier que nous recevons concerne ce sujet). Les urgences intéressent le public comme les professionnels. L'agence a besoin de l'avis d'experts indépendants. Nous voulons être à leur écoute et leur poser des questions. Il faut que, par exemple, nous puissions leur demander rapidement : « Ce problème (qui peut être un conflit social) se pose à tel endroit, êtes-vous capables de nous aider à le résoudre ? »
En demandant à ce comité d'analyser les difficultés actuelles dans la prise en charge des urgences, vous reconnaissez que ces difficultés existent. Quelles sont celles qui vous préoccupent le plus ?
Deux sujets d'inquiétude. Le premier est tout à fait immédiat ; il n'est pas d'ailleurs uniquement francilien, le même phénomène se produit à l'échelle française et même mondiale : nous devons faire face dans les services d'urgence à un énorme afflux, qui continue à augmenter chaque année dans des proportions comprises entre 5 et 10 %. Et cela nous pose des problèmes d'organisation inextricables.
Seconde préoccupation, immédiate celle-là : les capacités de lits d'aval. Les services d'urgence ont des difficultés à trouver des lits de médecine pour hospitaliser leurs malades. Cela concerne souvent les personnes âgées, mais pas uniquement.
Enquête dans les services
L'Agence n'a pas toujours tenu ce discours sur les lits d'aval. A-t-elle changé d'avis ?
Avec l'afflux croissant de malades, la question des lits d'aval devient chaque année plus difficile à régler. Nous avons aussi longtemps vécu avec l'idée qu'il y avait en région parisienne suffisamment de lits de médecine. Cela signifiait que le problème des lits d'aval relevait davantage de l'incapacité à organiser de bonnes relations entre les services d'urgence et les services de médecine que d'autre chose. Aujourd'hui encore, cette analyse n'est pas tout à fait fausse. Mais le sujet est trop essentiel pour qu'on puisse se permettre de se tromper. Nous voulons l'aborder avec un esprit ouvert. Sans nous contenter de notre propre avis. En consultant des spécialistes. Nous sommes en train de lancer une grande enquête dans tous les services d'urgence labellisés. Ses conclusions seront livrées pendant l'été au comité de consultation, qui nous fera ensuite des suggestions. Tout ce travail devrait déboucher au mois d'octobre sur une grande journée rassemblant tous les urgentistes de la région parisienne.
Les urgentistes parisiens disent qu'ils travaillent sur la corde raide. Est-ce vrai ?
Par définition, le métier d'urgentiste est un métier extraordinairement cyclique. Je pense que les professionnels se réfèrent en général aux périodes de pointe de leur activité, laquelle n'est pas en permanence synonyme de rush. En région parisienne, nous avons été les premiers à faire un SROS (schéma régional d'organisation sanitaire) urgences. Parce qu'il s'agit d'un sujet absolument majeur. Et parce que nous sommes convaincus que l'amélioration de la situation n'est pas une question de moyens mais d'organisation. Tous les ans, il y a, entre le 15 novembre et le 15 février des épidémies de bronchiolite. Pour les prendre en charge, on a réussi à mobiliser des moyens supplémentaires sur des périodes ciblées. Par analogie, je pense qu'on doit être capable, quand il y a des difficultés, de dégager des moyens supplémentaire pour accueillir des malades en médecine. On ne poursuit pas d'objectifs d'économie dans ce secteur des urgences - l'agence a toujours dégagé pour cela des budgets importants - mais ce n'est pas la peine de dépenser de l'argent si on ne s'organise pas correctement.
Comme dans les autres pays européens
La situation de crise - au moins ressentie - des urgences parisiennes signifie-t-elle que le SROS urgence francilien a failli à ses missions ?
Je crois que personne ne pouvait anticiper la mesure de la poursuite du mouvement d'accroissement du nombre des urgences légères se présentant dans les services. Les infarctus, les polypathologies, les urgences lourdes, bien - voire très bien - prises en charge par les organisations en place, plafonnent ou décroissent relativement. Nous avons fait une enquête sur la gestion par les SAMU des infarctus en phase aiguë : au cours de la période récente, le temps d'accès aux service de cardiologie s'est raccourci. En revanche, personne ne pouvait prévoir que les urgences légères allaient augmenter de plus de 5 % par an. Cette tendance, en dehors des problèmes de prise en charge qu'elle pose, est très intéressante. On ne peut pas, ce serait trop simple, l'expliquer par la démission des médecins de ville français. Car elle existe aussi dans des pays où l'organisation des soins est tout à fait différente, comme l'Allemagne, l'Angleterre ou l'Italie.
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