LES THROMBOSES veineuses profondes (TVP) du mollet touchent les veines tibiales postérieures et fibulaires, ainsi que les veines musculaires (gastrocnémiennes et soléaires).
Pour la TVP proximale, le taux d'extension symptomatique ou asymptomatique sans traitement est de l'ordre de 50 % avec un taux d'embolie pulmonaire mortelle de 30 %, ce qui a justifié historiquement l'utilisation d'un anticoagulant. Sous traitement, les études de cohorte retrouvent actuellement une mortalité qui varie de 1,7 à 7 % en cas de TVP proximale ou d'embolie pulmonaire.
En ce qui concerne le risque thromboembolique d'une TVP du mollet, il est beaucoup plus faible. L'évaluation des différentes stratégies diagnostiques suggère que le taux d'extension proximale serait seulement de 5 à 10 %. Le risque d'embolie pulmonaire mortelle est indétectable au sein des 5 471 patients évalués, dès lors que l'extension proximale est diagnostiquée (2e échographie) et bénéficie d'un traitement anticoagulant.
Deux stratégies s'opposent.
Il existe un consensus international pour considérer que le diagnostic d'une thrombose veineuse repose sur l'incompressibilité échographique d'un segment veineux. Mais les conditions de réalisation de cet examen diffèrent considérablement d'un pays à l'autre en cas de suspicion de TVP des membres inférieurs. Deux stratégies s'opposent :
– l'examen écho-Doppler complet, exhaustif, tel que réalisé en France, explore toutes les veines profondes iliaques, fémorales, poplitées et celles du mollet.
– l'échographie compression limitée aux veines fémorales et poplitées, répétée huit jours plus tard pour détecter une éventuelle extension proximale. Cette technique est modulée par différentes stratégies visant à ne répéter l'échographie que chez les patients ayant un risque élevé d'extension (probabilité clinique, D-dimères). Cette seconde stratégie peut sembler très compliquée au premier abord. Elle est justifiée par les moins bonnes performances de l'échographie des veines du mollet (nombreuses veines, variations anatomiques fréquentes, interposition osseuse) ajoutées à une faible prévalence de la thrombose (de 15 à 25 % en cas de suspicion clinique). Le risque de faux positif et de traitement anticoagulant indu justifie cette stratégie.
Le risque thromboembolique à trois mois de ces deux stratégies est particulièrement faible. Il est de 0,34 % pour l'écho-Doppler complet ; de 0,6 % pour l'échographie proximale répétée à J7 ; de 1,8 % en cas d'échographie proximale unique. Pour mémoire, le risque thromboembolique de la phlébographie était de 1,9 % à trois mois.
Deux questions essentielles.
De cette confrontation des pratiques naît une controverse qui se décompose en deux questions essentielles :
– Faut-il diagnostiquer les TVP du mollet ? La stratégie de l'échographie proximale suggère que ce diagnostic n'est pas utile. Mais se pose alors la question de l'efficacité de la stratégie diagnostique en cas de suspicion clinique. Un patient avec une authentique TVP du mollet ne bénéficiant pas d'un diagnostic selon cette stratégie est exposé à une errance diagnostique et à des examens inutiles, voire dangereux avec risque de faux positifs évident.
– Faut-il alors traiter les TVP du mollet ? Le risque thromboembolique à trois mois varie de 0,34 à 1,8 % selon les stratégies. Le risque embolique est indétectable dans les études récentes. Le risque hémorragique majeur des traitements anticoagulants à trois mois est compris entre 0,6 % et 1,2 %, le risque de saignement fatal est de 0,1 à 0,4 %. La stratégie d'identification des TVP du mollet conduit à traiter par anticoagulants deux fois plus de patients.
Une évaluation objective de l'utilité des traitements anticoagulants est nécessaire. Le rapport bénéfice/risque de ces traitements semble ici très différent de celui de la TVP proximale et de l'EP.
C'est pour répondre à cette controverse que la SFMV (Société française de médecine vasculaire ) vient de mettre en place l'étude CACTUS en France et en Suisse. Il s'agit d'un essai thérapeutique qui randomise en double aveugle l'administration d'un traitement anticoagulant versus un placebo en cas de première TVP du mollet. C'est une collaboration franco-suisse, financée par le ministère de la Santé français (PHRC, programme hospitalier de recherche clinique national), le fond de recherche médical suisse, promu par le CHU de Montpellier avec l'accord des comités d'éthiques français et suisses. Dès le diagnostic posé par l'écho-Doppler, les patients sont randomisés, un bras (300 patients) bénéficiera d'une anticoagulation curative durant six semaines (nadroparine calcique en monodose, Fraxodi), l'autre bras (300 patients) bénéficiera d'un placebo (tableau 1). Tous les patients porteront une compression élastique de classe 2 et auront un suivi clinique et écho-Doppler. À l'issue de ce protocole thérapeutique de six semaines, le suivi clinique sera prolongé à trois mois pour les événements thromboemboliques puis à deux ans pour évaluer l'incidence du syndrome post-thrombotique.
Il nous a semblé important que tous les médecins généralistes connaissent l'étude CACTUS, car certains de leurs patients peuvent y être inclus à l'hôpital ou au cabinet du médecin vasculaire. L'usage d'un placebo justifie pleinement ces explications.
Au terme de cette étude qui a débuté le 28 janvier 2008, nous devrions connaître le taux exact d'extension des TVD du mollet sans traitement et le taux de complications hémorragiques sous traitement.
* CACTUS : Compression alone versus anticoagulation for symptomatic calf vein thrombosis diagnosed by US ultrasonography.
Références : M. Righini, Les thromboses distales : un problème clinique non résolu, STV 2008, n°2 : 65-8.
J.-P. Galanaud, A. Khau Van Kien, C. Boubakr, J.-P. Laroche, I. Quéré : Thrombose veineuse distale des membres inférieurs : to treat or not to treat ? Épidémiologie, prise en charge et problématique, JMV 2007, vol. 35, n° 4-5, décembre 2007, 225-228.
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