De notre correspondante
L'existence de deux poids, deux mesures, en la matière, est-elle acceptable ? Alors que les tests réalisés hors du laboratoire se sont déjà imposés au sein d'un accord de bon usage de soins (AcBUS) et bientôt d'un contrat de santé publique (CSP), la question mérite d'être posée. Elle l'a d'ailleurs clairement été lors d'une session consacrée à la biologie hors laboratoire, et programmée par les 18es Journées nationales de biologie (JNB), le 12 juin dernier à Lyon.
Représentante de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), Danielle Metzen-Ivars a abordé le sujet en dressant d'abord un état des lieux des différents types de contrats établis dans le cadre de la rénovation des relations conventionnelles fixée par la loi du 6 mars 2002. En omettant malheureusement d'évoquer ceux signés avec les biologistes libéraux qui, pourtant, intéressaient les participants au premier chef ! Puis elle s'est attardée sur l'AcBUS du dépistage de l'angine à streptocoque A, dont l'objectif affiché est d'améliorer la qualité de la prise en charge des angines, de diminuer la résistance aux antibiotiques et d'obtenir un bon usage du TDR par la formation des praticiens concernés. « Notre évaluation qui porte notamment sur la participation des médecins à la formation, montre que celle-ci est assez bonne », a estimé Danielle Metzen-Ivars.
Du côté des généralistes impliqués, le Dr Christian Comte, qui exerce à Lyon et participe à la mise en place de formation sur ce thème, le confirme. Avec un bémol : « Les confrères disent aussi rencontrer des difficultés de prélèvements, de manipulation des réactifs et de lecture des résultats. »
Ecueils
Il ne pouvait pas mieux décrire les écueils de l'analyse biologique réalisée au cabinet médical. Et servir la cause des biologistes qui, au-delà des revendications purement corporatistes dont ils sont parfois accusés, rappellent à juste titre que les phases pré- et postanalytiques ont été reconnues comme essentielles dans le référentiel européen EM15189. Or, dans la pratique des Doctor's tests, elles sont complètement évincées. « N'y aurait-il pas moyen que les rouages de l'assurance-maladie fassent remonter les réflexions que les biologistes ont à faire sur ce thème ? », a suggéré Jean-Pierre Molgatini, biologiste libéral à Lyon et président de ces journées. Avant d'enchaîner par une autre question sensible : « Quelles sont les obligations de moyens et de résultats fixées aux praticiens ? »
Le danger des TDR serait de faire croire que l'analyse en biologie est devenue « facile ». Mais c'est un leurre : quelques médecins refusent d'ailleurs de réaliser ces tests en cabinet. « Nous pratiquons donc les TDR au laboratoire, et parce que nous sommes curieux, nous avons aussi réalisé des cultures, pour finalement nous apercevoir que ces TDR rendaient 5,8 % de faux négatifs », affirme Jean-Pierre Molgatini. Ce taux avancé va toutefois à l'encontre des taux publiés par la littérature scientifique à ce sujet, et peut donc être sujet à caution. Par ailleurs, en matière de santé publique, 5,8 % pourraient être considérés comme acceptables.
« C'est le choix du ministère »
Comme il pourrait aussi l'être dans le cadre du dépistage du cancer colo-rectal, réalisé par le test Hémoccult II®. Une convention susceptible de servir de base à la proposition d'un CSP sur ce thème a été élaborée par la CNAM. Actuellement, 22 départements sont impliqués dans ce dépistage, « bien que le test Hémoccult II® ne soit pas idéal », a reconnu Danielle Metzen-Ivars. En effet, « il est basé sur une réaction "has been" qui a été supprimée de la nomenclature des actes de biologie », a résumé Jean-Pierre Molgatini. Pour quelles raisons a-t-on alors précisément opté pour ce test ? « C'est le choix du ministère et non le nôtre », a indiqué la représentante de la CNAM, en ajoutant que le test est « le seul à avoir fait l'objet d'une évaluation sur 47 000 personnes en Saône-et-Loire, durant dix ans ». Selon elle, les caisses tentent aujourd'hui de mettre en lumière les différents problèmes qui lui seraient liées. En parallèle, les résultats d'une étude, récemment conduite en PACA (« le Quotidien » du 10 juin), a mis en exergue les réticences de certains médecins, au sujet de l'Hémoccult II®. Certains envoient leurs patients dans un laboratoire de proximité, plutôt que de pratiquer le test.
Finalement, et pour clarifier l'ensemble des enjeux politico-techniques qui sous-tendent l'utilisation de ces tests pratiqués hors laboratoire, il serait sans doute judicieux d'impliquer plus étroitement les biologistes dans le débat. « Nous pensons que les biologistes sont peu représentés au sein du comité technique qui s'occupe du dépistage du cancer colo-rectal », a admis Danielle Metzen-Ivars. « Lors de notre prochaine réunion, en juillet, je le mentionnerai explicitement, pour que cela évolue positivement. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature