« Priorité absolue » du Pr Philippe Douste-Blazy, le DMP n'est pas seulement un enjeu de santé publique et d'économie pour l'assurance-maladie. C'est un enjeu politique, d'où les délais très courts de mise en place.
Le premier calendrier, en juillet, faisait même état du lancement d'un appel d'offres en septembre. Le réalisme et surtout la conscience de la nécessité de réussir le lancement du DMP ont fait repousser les échéances. Une mission de concertation a été confiée à Alain Coulomb, directeur de l'Anaes (voir encadré).
Un consensus.
Pour réussir la mise en place du dossier médical, tous les acteurs sont bien conscients, des pouvoirs publics aux industriels, qu'il faut « embarquer les professionnels de santé ». Pour assurer le succès d'un tel projet, la mobilisation doit être générale. Les premières réactions syndicales n'étaient pas hostiles. On a même pu lire que le DMP était attendu depuis longtemps. Les craintes des médecins portent principalement sur les conditions d'accès au dossier. En outre, le lancement doit à tout prix être effectué dans un contexte politico-social favorable pour éviter toute prise en otage (comme on a pu le voir avec Sesam-Vitale).
« Nous voulons travailler à chaque étape avec les professionnels de santé, assure-t-on au cabinet du ministre, en soulignant que c'est la première fois que, pour un projet, il y a une telle concertation avec les professionnels. »
Ces professionnels, il faudra, en outre les inciter à participer. « Il ne faut pas commencer à casser les pieds aux médecins », prévient Sylvie Ouziel. Sur la façon de les encourager à s'approprier le DMP, la P-DG d'InVita (voir encadré sur les industriels) a les idées claires : on doit leur apporter des services.
Avant d'être ouvert au médecin traitant, le DMP devra, par exemple, être amorcé avec les radiologies, les comptes rendus d'hospitalisation, les ordonnances de la Cnam, les résultats d'analyses biologiques ; ainsi les médecins seront attirés par un dossier déjà rempli. Une politique incitative passe aussi par une prise en charge de l'équipement en Adsl des médecins et une rémunération.
Le deuxième acteur à ménager, c'est le public. Certes, dans les expériences de réseau, on a pu constater que le patient donne accès à son dossier sans problème, mais dans le cadre d'une meilleure prise en charge de sa pathologie. On peut s'attendre à différents types de réaction ; les malades avec des pathologies lourdes sont plutôt contents de ne pas répéter leur histoire à chaque intervenant, les bien portants ne sont pas forcément très motivés, et il reste une fraction d'hypocondriaques qui ont le syndrome de l'espionnage. A ceux-là, il faut absolument éviter de donner prise. Il faut donc repousser tout ce qui pourrait ressembler à un « casier sanitaire ».
Le patient doit avoir la garantie de pouvoir cacher certains épisodes et savoir que l'accès sera limité à certains intervenants et pourra rester partiel. Les modalités d'accès au dossier doivent encore être précisées par décret.
Ces précautions ne doivent pas faire oublier le but final : un meilleur suivi du patient, l'amélioration de la qualité des soins, et des économies substantielles à la clé.
« Il faut s'assurer que le cahier des charges corresponde bien aux enjeux de la loi et que la manière dont il sera utilisé colle bien aux objectifs », dit-on au ministère. Les industriels ont également besoin d'une bonne visibilité.
Trouver un modèle économique.
Dans son argumentaire, le ministère de la Santé a estimé à 3,5 milliards d'euros par an les économies produites par l'utilisation du DMP. En tablant sur les hospitalisations entraînées par des interactions médicamenteuses (128 000/an), sur la limitation des soins redondants, sur la réduction des transports en ambulance, etc.). Toutefois, le DMP risque fort, dans un premier temps, d'entraîner des surcoûts, puisque les patients seront mieux surveillés et les protocoles mieux respectés.
Le budget nécessaire au lancement du DMP n'est pas encore établi. Il doit prendre en compte les développements techniques, mais aussi le dispositif d'information et d'accompagnement qui sera mis en place à l'attention des professionnels de santé et des patients. Comme elle devait l'être pour les expérimentations Fieschi ( via le Faqsv), la Cnam sera le principal bailleur de fonds, mais pas le seul. Le cabinet du ministre s'emploie à intéresser d'autres acteurs publics, comme la Caisse des dépôts. Les industriels participant aux sites pilotes devront également investir (plusieurs millions d'euros pour un système opérationnel). En contrepartie, les entreprises retenues pour l'appel d'offres sont assurées de participer à la mise en place nationale du DMP.
La tenue annuelle d'un DMP est estimée par certains entre 3 et 15 euros par an, par d'autres, entre 5 et 10 euros par an.
Quatre décrets à paraître
La mise en place du DMP nécessite la publication de quatre décrets qui seront pris en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés :
- le décret sur les hébergeurs qui était prêt fin juillet pour être publié. Le cabinet aurait finalement préféré mettre en place un comité d'agrément technique au lieu de confier l'agrément à la Cnil ;
- le décret sur l'obligation d'utiliser la CPS prévu par la loi du 4 mars sur les droits des malades ;
- un décret déterminant les conditions dans lesquels un identifiant peut être utilisé pour l'ouverture et la tenue du DMP ;
- un décret d'Etat concernant les conditions d'applications du DMP et notamment les conditions d'accès aux différentes catégories d'informations figurant sur le DMP.
Deux décrets connexes :
- un décret pour déterminer les conditions de consultation par les médecins traitants des feuilles de maladies de leurs patients détenus par les organismes de remboursement ;
- un décret fixant les conditions d'utilisation du volet d'urgence de la Carte Vitale 2.
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