«LE DMP est au point mort, mais je vais le relancer très vite», disait Roselyne Bachelot dans un entretien au « Monde » daté du 22 juin 2007. Près d'un an plus tard, ses propos restent toujours d'actualité. A la différence près que la ministre de la Santé dispose maintenant des propositions de la mission Gagneux pour relancer le projet du dossier médical personnel (« le Quotidien » du 25 avril et www.quotimed.com). Cette mission, ou task force d'experts, avait été nommée en décembre par Roselyne Bachelot pour repenser à la fois l'organisation, la gouvernance, la stratégie générale du projet DMP, son architecture, et enfin donner des pistes pour la concertation future. Depuis une dizaine de jours, son cabinet a déjà tâté le terrain, semble-t-il, en recevant au ministère certains acteurs ou instances concernés (comme le Conseil national de l'Ordre des médecins). Demain, Roselyne Bachelot recevra officiellement avenue Duquesne Michel Gagneux (inspecteur général des Affaires sociales et pilote de la task force qu'elle avait nommé en décembre), ainsi que les sept autres membres de la mission (1), afin d' «échanger sur (leurs) conclusions». En tout état de cause, le gouvernement ne se prononcera que «d'ici à la mi-mai (sur) les suites qu'il entend donner au rapport afin de relancer le dossier médical personnel dans les meilleures conditions». Roselyne Bachelot attend par ailleurs d'autres éclairages que le rapport Gagneux dans les mois à venir : le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) doit lui rendre un avis sur la question du masquage, tandis que la Cour des comptes prépare un rapport spécifique sur l'informatisation des données de santé en général.
Le rapport Gagneux suggère en tout cas une relance rapide du projet DMP, avec une mise en oeuvre très progressive sur dix à vingt ans, pour un coût global estimé à «900millions d'euros pour la période 2006-2012» (2). Roselyne Bachelot envisageait, fin 2007, une phase de concertation avec un séminaire de deux jours en point d'orgue pour fixer la nouvelle feuille de route du DMP. Mais le rapport Gagneux estime qu'il y a eu assez de palabres et qu'il est préférable d'organiser désormais la concertation au plus près du terrain, «sur les modalités pratiques de mise en oeuvre, à partir de situations d'usage réelles, d'exemples concrets et de retours d'expériences».
Redémarrage en trois temps ?
La mission Gagneux préconise un redémarrage du chantier en trois temps, ponctués par : une «Journée de relance du DMP», avec tous les acteurs impliqués, où la ministre «annoncerait la nouvelle stratégie» et la marche à suivre, puis le lancement de la phase pilote expérimentale (amenée à se prolonger jusqu'à fin 2011), et enfin un «séminaire de baptême des projets pilotes» à l'automne ou à la fin de l'année 2008.
En attendant le choix final du gouvernement, la profession médicale apparaît relativement satisfaite des orientations défendues par la mission Gagneux.
A la CSMF, Michel Chassang dit banco et veut inscrire le projet « DMP-Pro » confédéral dans la phase pilote expérimentale, soumise au feu vert de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). «Notre impression (du rapport) est très positive car on revient sur le coeur de notre métier avec un dossier médical professionnel», explique le président de la CSMF.
Le Dr Gilles Urbejtel de MG-France ne voit dans le document «rien de révolutionnaire». «Il manque des choses à propos du calendrier et des modalités pratiques», observe-t-il. Le Dr Urbejtel apprécie toutefois que le DMP devienne «facultatif et incitatif», ainsi que la place donnée aux messageries sécurisées dans le système DMP. Au syndicat FMF, Jean-Paul Hamon approuve le «calendrier raisonnable» de la mission Gagneux et «la fin de la surenchère sur le choix del'hébergeur». Les mesures de relance proposées – en particulier l'idée de créer «un club des promoteurs de projets» – font par contre «pleurer de rire» le Dr Hamon, alors qu'il espérait au minimum «un séminaire de deux jours avec tous les éditeurs de logiciels métier, les éditeurs des établissements et tous les utilisateurs» afin que ceux-ci puissent «exprimer leurs besoins» par rapport à l'interopérabilité des logiciels. Claude Bronner, président d'Espace Généraliste, regrette que la mission Gagneux n'ait pas retenu sa proposition : «autoriser les médecins traitants à appliquer la majoration de coordination de 3euros chaque fois qu'il enverra des éléments vers le DMP du patient».
Le rapport de la task force est jugé «très consensuel» par Jacques Lucas, président du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM). L'Ordre se retrouve dans sa «philosophie générale». Le CNOM précisera sa position sur le rapport dans un livre blanc dans la deuxième quinzaine de mai.
Au Collectif interassociatif sur la santé (CISS, regroupant des associations de patients et d'usagers), on reste prudent avant la publication officielle du rapport. Le CISS rappelle une fois de plus la nécessité d' «inscrire le DMP dans le cadre d'un plan stratégique de développement de l'informatique de santé en France» (avec une refonte de la gouvernance d'ensemble) et d'en faire «un outil de la coordination des soins au profit d'un patient par le partage des données par ceux qu'il a autorisés».
(1) Pierre-Henri Comble, Loïc de Kergommeaux (consultants), Alain Livartowski (médecin à l'Institut Curie), Alain Folliet, Denis Richard (responsables en informatique à la Caisse nationale d'assurance-maladie), André Loth (chef de la Mission pour l'informatisation du système de santé), Jacques Sauret (directeur du GIP-DMP).
(2) Dont 190 à 250 millions d'euros au titre des coûts d'adaptation des systèmes d'information hospitaliers au DMP (financés par le plan Hôpital 2012) et un budget annuel d'environ 100 millions d'euros/an pour le GIP-DMP à compter de 2009.
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