AU DÉBUT SEPTEMBRE, cinq patients hospitalisés à l'hôpital d'Orléans présentent un tableau de trichinellose : fièvre et myalgies associées à une éosinophilie. Tous les cinq se connaissent et ont partagé le même repas deux semaines plus tôt : de la viande d'ours, souvenir d'une partie de chasse dans le nord du Québec. L'InVS (Institut de veille sanitaire) est alerté et prévient dès le lendemain le Centre national de référence de la trichinellose (Cnrt), qui mène l'enquête.
Le Cnrt circonscrit un nombre de 25 personnes, réparties en trois groupes et susceptibles d'avoir été en contact avec l'animal : un premier groupe formé des dix chasseurs qui ont participé à la même partie de chasse ; un deuxième, de 6 personnes, dont trois chasseurs, qui ont consommé au cours du même repas la viande rapportée à Orléans ; un troisième, enfin, constitué de 9 personnes invitées par un autre chasseur à goûter le produit de sa chasse, cette fois à Narbonne.
Au 4 octobre, 17 de ces 25 personnes (13 hommes et 4 femmes, âgés de 31 à 67 ans) avaient présenté des symptômes de trichinose, confirmés ou non par un sérodiagnostic ou une biopsie musculaire. Le taux d'attaque de l'épidémie est élevé : 68 % (87 % pour les hommes et 40 % pour les femmes).
Viandes, pattes, tête et langue.
Les investigateurs ont pu reconstituer le parcours exact de l'infortuné animal et de ses restes. Le 26 août, un groupe de dix Français venus chasser dans la magnifique toundra dans le nord du Québec, riche terrain de chasse prisé pour ses caribous, ours et autres gibiers, abattent un ours noir (ursus americanus) de 4 ou 5 ans pesant environ 150 kg. L'animal est écorché, vidé et dépecé sur place. La viande, les pattes, la tête et toutes les parties comestibles, y compris la langue, sont rapportées au camp. Les quartiers de viande sont accrochés et suspendus pendant trois à quatre jours.
Du 28 au 30 août, les chasseurs en consomment à plusieurs reprises, sous forme de ragoût, de steaks saignants et peu cuits, et même, pour certains, crue. Au menu d'un des repas, la langue qu'ils ont pris soin de bien cuire.
Le 2 septembre, l'équipée, à l'exception de son guide, quitte le Canada, direction la France. D'eux d'entre eux rapportent des morceaux, en dépit de l'interdiction légale. Le jour même, un repas est organisé à Orléans. Quatre jours plus tard, c'est à Narbonne que les convives dégustent les restes de l'ours conservés au congélateur (- 18 °C). Au moment de l'enquête, toutes les parties de l'animal ont été soit consommées, soit jetées. Aucun examen n'a pu être effectué.
Des biopsies musculaires chez deux personnes (un chasseur et un convive) ont mis en évidence une prolifération larvaire de deux larves par gramme de muscle.
La partie de chasse s'est finalement bien terminée : huit personnes ont été hospitalisées, pendant dix jours, en moyenne, mais aucune n'a été sérieusement malade (pas de complication). Les patients et certains sujets exposés ont reçu de l'albendazole à une dose comprise entre 400 et 800 mg/j pendant 20 à 28 jours.
La consommation de viande d'ours est une source fréquente d'épidémie de trichinellose au Canada, mais aussi au Japon, aux Etats-Unis, en Thaïlande et en Russie. Au moment de la partie de chasse, les autorités canadiennes n'ont signalé aucune épidémie. Le Cnrt et la Commission européenne (Direction générale de la santé et de la protection du consommation) vont probablement rédiger un avis à destination des chasseurs pour leur signaler les dangers d'une consommation de viande non cuite, en particulier d'ours, et leur rappeler que l'importation est interdite.
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