LONGTEMPS, la trilogie des chanteuses de jazz, pour les fans, se limitait à Billie (Holiday), Ella (Fitzgerald) et Sarah (Vaughan). Après venaient les autres. Pourtant, avec le temps, certaines « autres » ont aussi accédé au rang de divas et sont devenues des sources d'inspiration que plusieurs vocalistes actuelles voudraient bien imiter. Grâce aux rééditions, petit retour sur les impérissables.
Surnommée « The Divine » (« la Divine »), Sarah « Sassy » Vaughan (1924-1990) méritait amplement cette appellation contrôlée. Chanteuse à la tessiture exceptionnelle, elle démarre dans la carrière sur les conseils... d'Ella Fitzgerald (!) et du chanteur Billy Eckstine, au milieu des années 1940. S'ensuivront plus de trente ans de scène et une multitude d'enregistrements. « Shulie a Bop » (Saga Jazz Modern Series/Universal) est une intéressante compilation permettant de redécouvrir Sassy entre 1944 et 1954, en trio, moyennes formations et grands orchestres (avec des cordes), magnifiquement entourée sur certains titres par Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Max Roach, le jeune Miles Davis, alors sideman, et Roy Haynes, dans un répertoire composé uniquement de standards.
« After Hours at the London House » (Mercury/Universal), gravé en 1958 à Chicago, et comme son intitulé l'indique, se passe très largement après les sets programmés. En plus de son trio habituel de l'époque (Ronnell Bright, piano ; Richard Davis, contrebasse ; Roy Haynes, batterie), la chanteuse est rejointe par quatre invités surprise en congé du big band de Count Basie - Thad Jones et Wendell Culley (trompette), Frank Wess (saxophone-ténor) et Henri Coker (trombone) -, qui vont littéralement faire exploser la soirée et obliger Sassy à se surpasser face à l'avalanche de soli. Etonnant.
Ella Fitzgerald (1918-1996) savait incarner les diverses facettes de la chanson populaire anglo-saxonne, outre le jazz. Sur la fin d'une carrière de près de soixante ans, elle s'était attaquée à un autre répertoire, plus commercial, dont cet « Hello Dolly » (Verve/Universal), est un exemple. Enregistré en 1964 à New York et à Londres, produit par Norman Granz, ce disque reprend des tubes de l'époque, outre le titre principal, « Can't Buy Me Love » de Lennon/McCartney, et quelques standards. Sans être un disque exceptionnel, c'est un témoignage des qualités vocales d'une authentique grande dame du jazz.
Autres légendes
Carmen McRae (1922-1994) avait été manifestement influencée dans son style par Billie Holiday et le blues. Considérée dans les années 1950 comme l'égale de ses aînées, elle aime se frotter alors à des rencontres, comme celle avec Sammy Davis Jr. dans ce « Boy Meets Girl » (Decca/Universal), enregistré à New York et Los Angeles entre 1957 et 1958. Un duo qui interprète magistralement des standards et des compositions des frères Gershwin, tirées de « Porgy and Bess », le tout soutenu par un grand orchestre avec cordes et cuivres.
Carmen McRae est également présente sur DVD dans « Live in Montréal » (Universal), enregistré en 1988 au festival international de jazz de Montréal.
Peu de chanteuses blanches peuvent s'enorgueillir d'avoir surnagé le flot et d'avoir été comparées à Billie Holiday et Ella Fitzgerald. Anita O'Day (né en 1919 et toujours active) fait partie de ces raretés. Dotée d'un certain humour et d'une gouaille spéciale, elle est un pur produit de l'ère swing et la compilation « A Song Stylist in Swingland » (SagaJazz/Universal) en est la preuve par le chant. Les morceaux choisis couvrent la période 1941-1952, avec notamment les orchestres du batteur Gene Krupa - à l'origine de la carrière de Mme McRae - de Stan Kenton - son autre mentor - de Count Basie, du trio de Nat King Cole et celui emmené par Tadd Dameron (piano), ainsi que des formations avec Roy Eldridge (trompette). Un CD 100 % swing pour le plus grand plaisir des oreilles.
Légendaire Billie Holiday
Après « Louie » (Armstrong - 2002), « Chet » (Baker - 2003), « Charlie » (Parker - 1er trimestre 2005), l'écrivain-romancier-critique de jazz Alain Gerber vient de s'attaquer, avec « Lady Day », à une autre figure légendaire du jazz classique - avant de plancher sur Miles Davis -, la chanteuse Billie Holiday, de son vrai prénom Eleanora. Comme pour les ouvrages précédents, Alain Gerber utilise la technique du roman dont le jazz est le héros. A partir de faits, de situations et de personnages mythiques bien réels, l'auteur construit son histoire. Celle-ci débute en fait quatre mois avant la mort de l'héroïne au moment où l'on enterre celui qui fut à l'origine de son surnom, le saxophoniste-ténor Lester Young, rebaptisé « Prez » (« le Président »), dans le monde du jazz, et qui fut aussi son amour le plus platonique. Sous-titré « Histoire d'amours », le livre passe en revue dans une fiction élégante et à la première personne du singulier, l'existence, la carrière, les multiples amours, les périodes sombres de celle qui restera comme l'une des plus grandes chanteuses de l'histoire de la musique afro-américaine. Fourmillant d'anecdotes et de références, ce « Lady Day » est aussi une pure fiction qui permet à l'amateur de jazz de s'évader et au lecteur de romans de se plonger dans le monde un peu fermé du jazz.
Editions Fayard, 610 p., 26 euros.
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