Alors qu’aujourd’hui le discours l’emporte parfois sur l’œuvre, les intentions sur le résultat, les grands artistes ont toujours écrit sur leur manière de voir, de faire l’art de leur temps. C’est donc à une vaste promenade en compagnie des « professionnels de la profession » que nous invite Jan Blanc dans cet ouvrage grand format. Dans ce musée imaginaire sont certes invités les maîtres, à l’exception notable d’un Rembrandt, mais aussi des peintres oubliés qui se sont en revanche imposés comme des théoriciens majeurs de leur pratique. Exemple, qui connaît Cennino Cennini ? Aucun de ses tableaux ne figure d’ailleurs dans cet ouvrage. Pourtant, il a définitivement installé la peinture comme un art majeur. Ou plutôt selon la terminologie de l’époque (XVe siècle) il l’a arrachée aux arts mécaniques afin de la faire reconnaître comme un art libéral qui ne peut se réduire à des simples techniques ou procédés.
Plus tard, au milieu du XVIe siècle, un autre débat lancé par Benedetto Varchi fait rage. Il s’agit de demander aux plus grands artistes florentins ou d’origine toscane quel art, à savoir la peinture ou la sculpture, est supérieure à l’autre. Bien sûr, Michel-Ange ne les départage pas : « La peinture et la sculpture sont une même chose », répond-t-il. Pour Jacopo Carruci dit Pontormo, ces deux arts ne doivent pas être opposés de manière artificielle. Ils partagent en revanche un même dénominateur commun, à savoir le dessin.
L’histoire de l’art est aussi une histoire humaine où derrière les théories affichées avec véhémence se dissimulent des batailles d’ego, des querelles d’épicier. On lira comment Benvenuto Cellini apostrophe son collègue sculpteur et concurrent Baccio Bandinelli devant leur patron commun, le Duc de Florence : « Si l’on coupait les cheveux de ton Hercule, il ne lui resterait pas assez de caboche pour contenir sa cervelle. Sa figure, on ne sait pas si c’est celle d’un homme ou d’un monstre mi-lion mi-boeuf. » Cette Hercule et Cacus si décriée, les visiteurs le découvrent désormais sur la Piazza della Signoria à Florence.
Au fil des pages et du temps, le ton se fait moins déclamatoire, plus intimiste et personnel. Le peintre se tire le portrait. Et lorsqu’il s’agit de Gustave Courbet, le grand peintre confesse dans une lettre : « J’ai fait dans ma vie bien des portraits de moi, au fur et à mesure que je changeais de situation d’esprit ; j’ai écrit ma vie en un mot. »
Mais parfois, la biographie d’un peintre exige tout un livre. Alors que l’on peut admirer les œuvres de Berthe Morisot à Paris*, Dominique Bona retrace l’itinéraire de cette femme peintre dont l’histoire est liée à celle d’Édouard Manet. Là en revanche, il n’y a pas de mot, de trace qui témoigne de leur aventure commune. Demeurent seulement la peinture et les tableaux qui racontent une attirance, des sentiments, un amour ? Triomphe de la peinture qui a ici le dernier mot.
Berthe Morisot, le secret de la femme en noir, Dominique Bona, le Livre de poche, 6,60 euros.
* Musée Marmottan, jusqu’au 29 juillet 2012.
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