› Idées
EN APPARENCE, la violence est une horreur, elle fait horreur, elle inverse nos valeurs, déconstruit le social et nous voue à une absence de repères intolérable. Elle nous hante au point que nous ne la situons plus qu’alignée sur ce qu’elle a d’excessif, c’est la célèbre « reductio ad hitlerum ».
Mais relisons le sous-titre des « Essais sur la violence » : « Banale et fondatrice ». Malicieusement, Michel Maffesoli montre à quel point la violence fonde le social en même temps que les règles qu’elle saccage.
C’est par exemple l’ambiguïté de la figure du coupable qui tue parfois pour extirper le mal, tel Travis, le héros de « Taxi Driver », de Martin Scorsese, qui a mission de laver les trottoirs de New York de leur souillure. Michel Foucault a bien analysé les désirs qui s’entrecroisent entre le condamné et le bourreau, « qui partageait avec son adversaire son infamie ».
Aussi l’auteur montre-t-il que la violence n’est que l’autre visage de l’ordre. Au début du siècle précédent, Émile Durkheim remarquait déjà que le crime était ce qui offense la conscience collective. Dans une société de saints, la moindre peccadille provoquerait colère et exigence de sanctions réparatrices. Plus profondément, le concepteur de ce livre intègre la violence dans le jeu de la règle et de la transgression. Ceci l’amène à décréter que la violence est profondément utile.
Retrouver le plaisir.
Et aujourd’hui ? La réponse est-elle dans « Apocalypse », le petit livre noir, philosophiquement pur arabica. L’auteur nous y assène, premièrement, que la crise n’existe pas : le mot est devenu un tampon-bavard, étouffe-sens, qui alimente les conversations de bistrot. Deuxièmement, s’il y en a une ( « logique de chaudron »), elle n’est sûrement pas économique : « La crise est dans les têtes, pas à la Bourse »). Troisièmement, les « faux professeurs, mais vrais voyous », ceux qui confondent « l’opinion publique et l’opinion publiée », nous ont persuadés que nous vivions un monde finissant, sans voir que tout commence. D’où ce mot d’apocalypse, qui ne signifie nullement l’effroi et la fin des temps, mais, fidèle à son étymologie, dévoilement de nouveauté.
Toutes les idéologies nous ont tourné vers le ciel (parfois vers la Terre avec les « lendemains qui chantent », mais c’est la même idée d’attente eschatologique). Il est temps de nous enraciner dans le présent. Pour cela, il faut faire sa part à Dionysos : retrouver le plaisir, le jeu et parfois l’ivresse de la transgression.
Ce qui nous ramène à la violence. Une société se voulant aseptisée, obsédée par le risque zéro, va faire réapparaître le diable « de façon nosocomiale ». Le jeu du foulard a encore de beaux jours devant lui. Michel Maffesoli a conçu un livre bien sûr nietzschéen, mais qui nous invite à tout repenser à partir de la fête et d’un sacré « chtonien », terrestre.
Un livre noir comme le sépia de la seiche ?
Michel Maffesoli, « Essais sur la violence », CNRS Éditions, 212 ages, 10 euros ; « Apocalypse », CNRS Éditions, 59 pages, 4 euros.
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