LE Dr DINORINO CABRERA, président du SML (Syndicat des médecins libéraux), a décidé « d'y aller ». Même si sa décision n'était pas encore officielle en milieu de semaine, il sera bien candidat, le 18 novembre prochain, à l'élection du président du Centre national des professions de santé (Cnps), où siègent 25 organisations nationales, représentatives des professions médicales, paramédicales, dentaires et pharmaceutiques.
Le « deal » a été conclu « en tête avec tête » avec le Dr Michel Chassang, président de la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français, majoritaire chez les médecins libéraux). Même si les relations entre les deux présidents se sont rafraîchies depuis un an, sur fond de rivalité syndicale, légitime à l'heure de la réforme, la Csmf et le SML vont unir leurs forces en la circonstance, avec le renfort de quelques autres syndicats. « Le Dr Cabrera a le soutien des médecins, sauf MG-France, des dentistes de la Cnsd (Confédération nationale des syndicats dentaires) et de deux ou trois autres syndicats de paramédicaux (infirmières, kinés) qui devraient lui assurer une majorité », affirme un bon connaisseur du dossier.
Nadine Hesnart, présidente de la Fédération nationale des infirmières (FNI), reconnaît que son organisation a été « très très courtisée » ces derniers temps. Le Dr Chassang, accusé par certains d'avoir tout orchestré, calme le jeu. « C'est la démocratie qui s'exprime, il y a une majorité et une minorité, déclare-t-il. Je n'étais pas candidat,mais je voterai pour Cabrera. »
MG-France : la Csmf a « tué » le Cnps.
Simple jeu de pouvoir ? Pas sûr. Derrière l'élection du nouveau président se joue la stratégie du Cnps, terrain d'affrontement récurrent ces dernières années (l'impasse sur l'accord-cadre interprofessionnel en 2003 est encore dans les esprits). Quel avenir, à l'heure des pratiques coopératives et des réseaux, pour la dynamique interprofessionnelle, qui continue de mobiliser une dizaine d'organisations, dont le syndicat de généralistes MG-France, mais aussi des représentants des kinés ou des pharmaciens ? Les représentants de la frange la plus libérale du corps médical vont-ils « tout cadenasser », comme le redoute déjà un membre d'une profession dite prescrite ? Quelle sera la répartition des rôles, surtout, entre le Cnps et la future Union nationale des professions de santé (Unps), dont le décret de composition est attendu mi-novembre (et où la Csmf devrait également être très présente) ? Autant de questions en suspens.
Le Dr Jacques Reignault, chirurgien-dentiste réélu président du Cnps (à l'unanimité) en juin dernier, avant d'être mis en minorité à la tête de son propre syndicat, la Cnsd, puis de se voir retirer son mandat, est amer. « C'est un coup de force qui se prépare, analyse-t-il. Le Cnps, dont je me suis efforcé de faire l'unité, risque d'imploser avec une nouvelle guerre entre prescripteurs et prescrits : on aura cinq ou six organisations contre vingt autres et tout sera bloqué. » Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, se dit « ulcéré » par la tournure « brutale » des événements. « Lors de la dernière AG du Cnps, j'avais proposé que le Dr Jacques Reignault assure la transition pendant quelques mois, le temps que s'installe la nouvelle Unps, affirme-t-il. Cette solution, la plus raisonnable, avait été largement approuvée. » En décidant de rejeter « la seule candidature de consensus », la Csmf aurait voulu « tuer » le Cnps « plutôt que d'en perdre le contrôle ». « Après le rejet de l'accord-cadre, c'est le deuxième mauvais coup contre l'institution », accuse le Dr Costes. Lui-même ne sera pas candidat à la présidence pour affronter le Dr Cabrera. « Cela n'aurait pas de sens, explique-t-il. Ou bien on trouve un accord large, majoritaire et apaisé, ou le Cnps n'a plus de raison d'exister. »
Pour Bernard Capdeville, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (Fspf), la candidature de Cabrera au Cnps « est un masque derrière lequel il y a l'Unps » et annonce donc les grandes manœuvres . « On sait que Michel Chassang souhaite tout verrouiller en ce moment, ajoute-t-il. Attention, un train peut en cacher un autre. »
L'élection au Cnps peut encore réserver des surprises. L'institution est habituée aux coups de théâtre, sinon aux coups tordus. Mais à l'heure où les pouvoirs publics réclament des interlocuteurs plus fédérés, à l'heure des parcours de soins et des accords communs à plusieurs professions, l'animosité qui règne parmi les professions de santé fait mauvais effet.
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