GÉNÉRALEMENT considéré comme une maladie cutanée et bénigne, le psoriasis peut dans un certain nombre de cas (de 3 à 5 %) être une maladie grave. Cette sévérité déjà connue au travers des tableaux cliniques de psoriasis pustuleux et érythrodermique, arthropathique grave ou encore par l'existence du rhumatisme psoriasique est étayée par des publications récentes qui font état d'une mortalité accrue, d'un risque plus élevé de cancer et de maladies cardio-vasculaires. Plusieurs études ont également montré un risque accru de syndrome métabolique chez les patients psoriasiques.
L'arrivée des biothérapies, notamment les anti-TNF alpha, a révolutionné la prise en charge du psoriasis, notamment dans sa forme sévère. Leur mode d'administration peut être continu ou intermittent.
Les anti-TNF alpha.
Parmi les biothérapies anti-TNF alpha, seul l'étanercept (Enbrel) voit sa prescription limitée dans le temps par son AMM européenne qui autorise une administration de 6 mois, éventuellement renouvelée, après arrêt, en cas de rechute. Cette limitation n'existe cependant qu'en Europe et ne concerne que le psoriasis cutané. Les patients ayant un rhumatisme psoriasique peuvent recevoir un traitement en continu. Pourtant, l'arrêt du traitement, après 6 mois d'utilisation, est régulièrement suivi d'une récidive graduelle (Leonardi C. L. et coll.) et la poursuite au long cours d'Enbrel n'accroît pas le nombre d'effets secondaires, qui tendent même à diminuer (Tyring S. et coll.).
L'étude EASE s'est intéressée à deux stratégies possibles d'administration de l'étanercept : traitement continu versus intermittent. Dans cette étude, 2 456 patients ont été traités par étanercept 50 mg deux fois par semaine pendant 12 semaines. Après ce terme, le traitement a été prescrit soit en continu, soit à la demande, en fonction de l'évolution. A la 24e semaine, le taux d'amélioration était plus élevé chez les patients traités en continu que chez ceux ayant un traitement discontinu (71 vs 59,5 %). Plus d'un mois supplémentaire de traitement était nécessaire pour retrouver l'amélioration initiale obtenue chez les patients ayant interrompu le traitement.
Ces deux stratégies opposées avaient déjà fait l'objet d'une étude, EXPRESS II, pour un autre anti-TNF alpha : l'infliximab (Remicade), administré pendant un an en continu ou selon un schéma intermittent. A la 50e semaine, le pourcentage de patients atteignant le PASI 75 était significativement plus élevé dans le groupe traité en continu. Ainsi, de nombreux arguments sont concordants pour démontrer l'intérêt de l'étanercept en continu : la rechute quasi inéluctable ; l'accroissement de l'efficacité dans la durée ; l'absence de modification du profil d'innocuité pour l'usage à long terme ; la bonne tolérance dans son utilisation tant en rhumatologie qu'en dermatologie. L'étanercept étant dénué d'effet rebond, il pourrait être interrompu en fonction de l'évolution ou en cas de nécessité, comme une grossesse ou une intervention chirurgicale, puis réintroduit sans perte d'efficacité.
Absence de rechute chez 11 % des patients.
En revanche, plusieurs raisons s'opposent à l'administration de l'étanercept en continu : son AMM (qui n'autorise sa prescription que durant 6 mois) ; l'existence de phases de rémission durable ; la bénignité de la maladie (hormis le rhumatisme psoriasique) ; les éventuels risques infectieux, neurologiques… des biothérapies (bien que les dernières données de la littérature soient rassurantes) et, surtout, l'absence de rechute chez 11 % des patients avec un recul de 6 mois (ce qui reviendrait à traiter inutilement ces patients). Au plan financier, le traitement intermittent est bien entendu préférable. Enfin, dernier argument : un traitement intermittent dégage le praticien d'une certaine routine de prescription toujours possible avec un traitement continu qui peut être un refuge pour le médecin. Le traitement intermittent l'oblige, à chaque réintroduction, à refaire le point sur l'évolutivité de la maladie et sur d'éventuelles contre-indications apparues entre-temps.
Au total, le traitement intermittent devrait être envisagé selon l'évolution clinique et non selon un protocole rigide détaché de la pratique.
D'après les communications de J.-P. Ortonne (Nice), S. Aractingi (Paris), B. Cribier (Strasbourg), Y. Poulin (Canada), B. Dreno (Nantes), M.A. Richard (Marseille) et X. Mariette (Paris) lors d'un symposium organisé par les Laboratoires Wyeth dans le cadre des Journées dermatologiques de Paris.
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