LA SURVENUE d'accidents gravidiques chez les femmes ayant été exposées inutero au diéthylstilbestrol (DES) ou Distilbène est augmentée par rapport à la population générale, mais ces complications obstétricales sont multiples et difficilement prédictibles. Plusieurs études épidémiologiques se sont attachées à analyser l'incidence de ces complications. L'ensemble de ces études montre une augmentation des risques d'avortement spontané précoce et tardif, de pertes foetales au 2e trimestre, de grossesse extra-utérine, d'accouchement prématuré, d'hémorragie de la délivrance, de délivrance artificielle ou encore de prééclampsie. Le taux de grossesses vivantes a été estimé à 64,1 % versus 84,5 % dans la population non exposée (risque relatif : 0,76).
Le dépistage des anomalies morphologiques.
Le lien entre le type d'anomalies morphologiques ou fonctionnelles diagnostiquées chez la femme et le pronostic obstétrical est difficile à établir. Le taux de prématurité est d'autant plus élevé qu'il existe une anomalie anatomique vaginale, cervicale ou utérine, mais ce risque persiste même s'il n'existe aucune malformation décelée. Ainsi, d'après une métaanalyse réalisée par Swann et coll. en 2000, le risque d'accouchement prématuré est multiplié par 4,7 par rapport à la population générale pour les patientes exposées en général et par 9,6 en cas d'anomalies anatomiques. De même, concernant les grossesses extra-utérines, le risque est multiplié par 8,6 chez les femmes exposées et par 13,5 en cas d'anomalies morphologiques.
Ainsi, l'imagerie a toute sa place dans la prise en charge de ces patientes et la recherche d'anomalies vaginales, cervicales ou utérines, afin de préciser le risque de la grossesse. L'examen de référence reste l'hystérosalpingographie. L'IRM permet d'identifier certaines anomalies cervico-utérines, mais sa sensibilité est discutée. Une étude a montré qu'elle permettait d'identifier les constrictions utérines dans 60 % des cas et un utérus en T dans 25 % des cas (Kiepersztok, 1996). L'examen de la zone de jonction individualisée en IRM séquence T2 semble être une voie de recherche intéressante, mais il est encore peu performant. L'échographie en 2D par voie vaginale est peu pertinente, mais des progrès sont attendus du développement de l'échographie en trois dimensions qui est mieux contributive dans le diagnostic des anomalies morphologiques. Le Doppler des artères utérines semble avoir un intérêt, comme l'a montré une étude de 1997 (Salle et coll.), qui retrouvait un lien entre exposition au DES et vascularisation utérine, avec une augmentation des index de pulsatilité. En revanche, ce travail n'avait pas étudié la relation de ces perturbations de vascularisation avec l'issue obstétricale. La limite technique de ces examens justifie probablement le fait que leur normalité n'élimine pas le risque de complications obstétricales. A l'inverse, l'identification d'une anomalie précise ne permet pas d'en prédire les conséquences. Les résultats de l'imagerie ne doivent donc pas être source d'inquiétude et de stress pour la patiente, mais doivent permettre au praticien d'accroître la surveillance de ces grossesses à haut risque.
Des recommandations basées sur un faible niveau de preuves.
La prise en charge va dépendre avant tout des antécédents de la patiente et de l'évaluation de son risque individuel. En effet, normaliser la prise en charge des femmes exposées est très difficile. D'une part, parce qu'il existe une grande variabilité de l'atteinte génitale, qui semble en partie liée au terme auquel le foetus a été exposé in utero. Plus l'exposition a été précoce, plus les anomalies seraient sévères. Ainsi, une exposition avant 7 semaines d'aménorrhée multiplierait par vingt le risque d'apparition d'un adénocarcinome vaginal par rapport à une exposition après 16 semaines d'aménorrhée (Diekmann 1999). D'autre part, les données issues de la littérature sont discutables et ne fournissent au mieux qu'un niveau de preuves 4. En effet, les études sont de petite taille, le plus souvent inférieures à 60 patientes. Il n'existe pas d'études randomisées ayant étudié spécifiquement la prise en charge des femmes exposées au DES. La plupart des données sont issues d'études cas-témoins rétrospectives ou d'analyses d'un sous-groupe DES au sein d'études portant sur une population à risque, toutes étiologies confondues. Le plus souvent, les recommandations sont adaptées de traitements proposés à des femmes à haut risque sans savoir si les mécanismes de pertes foetales, mal connus en cas d'exposition au DES, sont similaires.
Prise en charge préventive des complications.
Le cerclage prophylactique n'est pas recommandé de principe chez toutes les femmes exposées au DES. Plusieurs études ont montré qu'il n'améliorait pas le pronostic obstétrical. Certains auteurs préconisent plutôt une surveillance échographique du col dès 14 semaines d'aménorrhée pour repérer précocement une incompétence cervicale et proposer alors un cerclage. Cependant, le bénéfice de cette procédure n'est actuellement pas admis par tous, les études ne regroupent qu'un nombre insuffisant de patientes et il est difficile de conclure. La plupart des équipes recommandent actuellement un cerclage préventif en cas d'antécédents de pertes foetales ou un cerclage en urgence en cas de béance cervico-isthmique documentée.
La place de l'acide salicylique est également discutée. Il existe une présomption d'un intérêt à le prescrire en traitement préventif du fait de la plus grande fréquence d'augmentation de l'index de pulsatilité utérine chez les femmes exposées au DES, mais il n'y a actuellement pas de certitude.
L'existence d'anomalies cervicales et en particulier de l'adénose pourrait participer au déséquilibre de la flore vaginale et expliquer la plus grande fréquence de vaginoses bactériennes. Mais les bénéfices du dépistage et du traitement restent à évaluer, les conclusions des dernières revues de la littérature à ce sujet étant contradictoires.
En prévention d'accouchement prématuré, un traitement par progestérone retard à 250 mg/semaine peut être proposé. Ce traitement a montré une diminution des accouchements prématurés et de la morbidité néonatale dans une population à haut risque (Meis, 2003). Un essai thérapeutique est en cours pour mieux évaluer l'intérêt de ce traitement chez des femmes exposées au DES. Les corticoïdes anténatals et les tocolytiques sont indiqués comme dans toute menace d'accouchement prématuré.
D'autres recommandations sont issues du principe de précaution et ne sont pas évaluées : arrêt de travail précoce, repos… En revanche, l'hospitalisation systématique n'est plus préconisée.
(1) D'après un entretien avec le Dr Florence Bretelle, gynéco-obstétricienne à Marseille.
L'hystéroplastie d'agrandissement
L'hystéroplastie d'agrandissement (HA) est une intervention chirurgicale parfois utilisée dans le traitement des anomalies morphologiques utérines liées à l'exposition inutero au DES. L'intervention a pour objectif d'augmenter le volume de la cavité utérine en incisant le myomètre dont l'excédent semble la cause des strictions médio-cavitaires et des utérus en T. Cette intervention est réalisée sous hystéroscope, en phase folliculaire précoce, après hystérosalpingographie et échographie utérine. Cette technique a été évaluée en 2003 par l'Anaes. Ce rapport a conclu que les données de la littérature ne permettaient pas d'apprécier l'efficacité et la sécurité de l'HA dans cette indication. Ce ne doit pas être un traitement de première intention et il ne permet pas de résoudre l'ensemble des problèmes de fertilité des femmes exposées au DES. En cas de décision de réalisation d'une HA, celle-ci doit être pratiquée par un chirurgien expérimenté. Des cas de synéchies postopératoires et de placenta acreta ont été observés. L'autre effet indésirable est la création de cicatrices endométriales et myométriales exposant au risque de ruptures utérines lors de l'accouchement.
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