PRATIQUE
Cystite d'allure banale
Mme A. T., 87 ans, a des antécédents médicaux d'infarctus du myocarde antéroseptal en 1983, d'hypertension artérielle contrôlée et d'arythmie complète par fibrillation auriculaire permanente, et chirurgicaux sous la forme de deux prothèses totales de hanches.
L'histoire de l'affection actuelle de cette patiente remonte maintenant à un mois, avec une cystite d'allure banale traitée par un sulfamide pendant sept jours. Environ une semaine après la fin du traitement antibiotique, cette patiente est à nouveau traitée par antibiotique (céphalosporine de 3e génération de forme orale) pendant quatorze jours. Dans les jours qui suivent l'arrêt de ce traitement antibiotique, Mme A. T. est victime de diarrhées glaireuses associées à des douleurs abdominales de type colique et d'épreintes, ce qui motive son hospitalisation.
A l'entrée dans le service, l'état général de cette patiente est altéré, avec pli cutané, nausées sans vomissements, il n'y a pas d'arrêt des gaz ni des matières. La palpation abdominale révèle un tympanisme et un météorisme abdominaux, les orifices herniaires sont libres, il n'y a pas de défense. La température rectale est à 38,2 °C. Le reste de l'examen clinique est normal. L'interrogatoire retient l'existence de quatre à six selles glairo-sanglantes par jour depuis maintenant cinq jours.
L'abdomen sans préparation visualise une aérocolie diffuse sans signe de gravité et quelques niveaux coliques. La biologie d'entrée montre une hyperleucocytose à 14 900/mm3 avec polynucléose neutrophile et un syndrome biologique inflammatoire (CRP à 107 mg/l), une hyponatrémie à 127 mEq/l et une insuffisance rénale modérée d'allure fonctionnelle (créatinine à 13 mg/l, urémie à 0,56 g/l). La radiographie du thorax est normale en dehors d'une discrète cardiomégalie. Un examen de selles fait en ville deux jours plus tôt avait mis en évidence le développement de Candida albicans.
Question 1. Quel est votre diagnostic ?
a) Candidose digestive.
b) Colite pseudomembraneuse.
c) Diarrhée simple aux antibiotiques.
d) Pyélonéphrite aiguë.
e) Diarrhée aiguë à staphylocoque doré.
Question 2. Quel(s) examen(s) faites-vous réaliser ?
a) Coproculture.
b) Recherche de la toxine de Clostridium difficile.
c) Rectosigmoïdoscopie.
d) Colonoscopie totale.
e) Sérodiagnostic de candidose.
Question 3. Quels en sont les principes du traitement ?
a) Arrêter le traitement antibiotique en cours.
b) Hospitaliser sans délai.
c) Ajouter du métronidazole au traitement antibiotique en cours.
d) Commencer une corticothérapie.
Question 4. Les résultats des examens que vous avez fait réaliser reviennent négatifs ne confirmant pas votre hypothèse diagnostique en dehors de l'existence de la présence de plus de 100 000 leucocytes/g de selles. La solution sera apportée par le laboratoire qui met en évidence, à la coproculture, la bactérie pathogène responsable de l'affection de Mme A. T. De quoi peut-il s'agir ?
a) Pseudomonas aeruginosa.
b) Acinetobacter baumanii.
c) Klebsiella oxytoca.
d) Providencia stuartii.
e) Enterobacter aerogenes.
Réponse question 1 : b
Le tableau que présente cette patiente (colite aiguë sévère avec retentissement systémique de la diarrhée et signes de sepsis) ne permet pas de retenir la diarrhée simple aux antibiotiques par perturbation de la flore digestive résidente, mais évoque dans le contexte d'une antibiothérapie une colite pseudomembraneuse.
La candidose digestive est rarement à l'origine de tels tableaux ; la mise en évidence de Candida sp . dans les selles après une antibiothérapie n'a pas de valeur d'orientation dans le cas de cette patiente.
La présence de diarrhées glairo-sanglantes oriente vers une atteinte colique plutôt que vers le simple tableau digestif d'accompagnement de la pyélonéphrite aiguë.
La diarrhée aiguë à staphylocoque doré ne s'accompagne pas de fièvre, et son évolution est courte et spontanément favorable.
Réponses question 2 : a-b-c
La colite pseudomembraneuse est secondaire à la pullulation dans le côlon d'une bactérie spécifique, Clostridium difficile . Ce bacille anaérobie strict à Gram + est sélectionné dans le côlon à la faveur de certains antibiotiques, en particulier les céphalosporines et la clindamycine. Cette bactérie sécrète des toxines (A et B) impliquées dans la genèse de la colite pseudomembraneuse. Le diagnostic repose donc sur deux types d'examens : la rectosigmoïdoscopie (et non la colonoscopie totale, qui a peu d'intérêt dans ce cas et expose à des complications, notamment au risque de perforation colique) qui affirme l'existence de la colite et la présence très évocatrice de fausses membranes (lésions ulcérées de quelques millimètres recouvertes d'un enduit jaunâtre purulent) sur un fond de muqueuse très dématiée, voire hémorragique et le prélèvement dans le fond d'une lésion, dont l'examen au laboratoire permettra d'affirmer la présence de C. difficile et de ses toxines, et la coproculture qui est cependant moins performante.
Le sérodiagnostic des candidoses n'est d'aucun apport dans ce type de situation.
Réponses question 3 : a-b
Dans le cas d'une colite pseudomembraneuse, il convient :
- d'arrêter le traitement antibiotique en cours (cause seule et unique de cette affection) ;
- d'hospitaliser le patient sans délai (risque de côlon toxique avec péritonite par perforation diastatique) ;
- de commencer une réhydratation et la correction des anomalies métaboliques (constitution d'un ????? sur 3e secteur et hypovolémie par pertes digestives) ;
- d'administrer une antibiothérapie efficace sur C. difficile (métronidazole ou vancomycine par voie orale).
Dans le cas de Mme A. T., ce type de colite infectieuse ne justifie que d'un arrêt de l'antibiothérapie en cours et des mesures de correction des anomalies métaboliques. Toute prescription antibiotique ultérieure devrait prendre en compte cet épisode en évitant le choix des céphalosporines dans la mesure du possible en raison du risque de récidive.
Réponse question 4 : c
Il s'agit d'une colite aiguë infectieuse postantibiotique à Klebsiella oxytoca . Cette colite infectieuse postantibiotique est rare et relativement méconnue. Elle correspond à la sélection dans le côlon de cette bactérie du fait de son profil naturel de résistance aux antibiotiques usuels, y compris certaines céphalosporines de 3e génération. Elle s'accompagne généralement de diarrhées sanglantes. Elle semble plus fréquente chez l'enfant, et sa localisation préférentielle est située au niveau du côlon droit.
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