DES LE MOIS DE FEVRIER, le syndicat MG-France, par la voix de son président, le Dr Pierre Costes, avait demandé l'ouverture de négociations entre tous les syndicats médicaux, d'une part, et la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam), d'autre part (« le Quotidien » du 13 février). Objet de ces négociations, selon le Dr Costes : « La permanence des soins préoccupe l'ensemble des médecins, qu'ils soient généralistes ou spécialistes libéraux. On ne peut pas attendre la réforme de l'assurance-maladie qui n'interviendra pas avant l'été. Il faut commencer dès maintenant à mettre en place des solutions. »
Mais voilà que, avant même que ces négociations ne soient ouvertes, elles butent sur une divergence de taille entre la Cnam et la plupart des syndicats. Pour la Cnam, explique en substance Dinorino Cabrera, président du SML (syndicat des médecins libéraux), la permanence des soins constitue un prolongement de l'activité médicale, en conséquence de quoi les négociations autour de sa rémunération sont du ressort conventionnel.
« Alors que pour les syndicats, ajoute-t-il, la permanence des soins ayant été déclarée mission d'intérêt général par la loi, il est clair que les négociations autour de sa rémunération doivent se situer hors convention. »
Qui signerait ?
Au-delà de cette querelle, se pose la question, essentielle pour beaucoup, de savoir qui pourra signer un accord avec la Cnam sur ce sujet. En effet, si ces négociations s'enclenchent dans le cadre conventionnel, avec un contrat de pratique professionnelle (CPP) pour support juridique, seuls les syndicats de médecins généralistes signataires de la convention pourraient graver leur nom au bas du parchemin, à savoir MG-France et le SML. Le paradoxe est que, dans cette hypothèse, les médecins spécialistes restant sous le régime du RCM (règlement conventionnel minimum), les syndicats de spécialistes pourraient tous parapher l'accord. En revanche, si ces négociations ont lieu hors du champ conventionnel, tous les syndicats de médecins, spécialistes comme généralistes, pourraient participer à la signature.
« Sur le papier, précise le Dr Cabrera, rien ne s'oppose à ce que seuls MG-France et le SML que je représente signent un accord dans le champ conventionnel. Mais je ne le veux pas, parce que la permanence des soins est une mission d'intérêt général. L'ensemble des syndicats doit participer à la négociation ; cela doit donc se situer hors du champ conventionnel. » De son côté, en marge de l'interview qu'il a accordée au « Quotidien », Charles Descours résume à sa manière la position des syndicats sur cette question : « Notre volonté à tous est de trouver un chemin pour que tous les syndicats puissent signer un accord, qui doit donc être hors du champ conventionnel. »
Qu'importe le flacon.
Un point de vue tempéré par le Dr Pierre Costes, président de MG-France, le premier signataire de la convention des généralistes : « La forme technique de l'accord m'est indifférente ; l'important, c'est son contenu. Prenez l'exemple de l'accord du 5 juin [sur le « C » à 20 euros, ndlr] . Quand il s'est agi de le concrétiser par un AcBus début juillet, il n'y a eu qu'un seul syndicat signataire puisque, à l'époque, la convention n'était signée que par nous. Mais le consensus était général. Ce n'est pas la peine de procéder à des aménagements législatifs. » Allusion aux déclarations de Charles Descours qui propose que le gouvernement dépose un amendement à la loi de santé publique, permettant aux syndicats non signataires de la convention de signer un contrat de pratique professionnelle (voir ci-dessous).
Reste la question subsidiaire : pourquoi la Cnam paraît-elle tant tenir à cantonner la rémunération de la permanence des soins dans le champ conventionnel, alors même que, de l'avis de certains syndicalistes, traiter le dossier hors du champ conventionnel permettrait d'en diversifier le financement avec notamment l'aide des collectivités locales ?
A la Cnam, on ne communique pas sur le sujet et on s'en tient à l'argumentation développée par la directrice déléguée par interim aux risques, Sylvie Lepeu (voir encadré). Pour le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF, qui envoie dans les prochains jours une lettre ouverte à Jean-François Mattei pour dénoncer « l'absence de moyens qui paralyse la permanence des soins », on assiste « sous la pression des caisses, à un désengagement de l'Etat et des collectivités sur le dossier du financement de la permanence des soins ». Le Dr Régi avoue ne pas saisir l'objectif suivi par la Cnam et ajoute : « Les caisses n'ont jamais admis que la notion d'intérêt général de la permanence des soins puisse changer quoi que ce soit au problème. »
Un point de vue partagé par le Dr Roger Rua, secrétaire général du SML, qui lance : « La Cnam ne supporte pas l'idée que la permanence des soins sorte du champ conventionnel. Pour elle, tout doit rester sous sa coupe. »
Ce que Sylvie Lepeu (Cnam) a dit à la commission Descours
« La Cnam [Caisse nationale d'assurance-maladie] a déjà montré sa volonté d'avancer sur ce thème. Il y a déjà deux ans, le cadre conventionnel a reconnu le rôle spécifique du médecin généraliste dans la permanence des soins ambulatoires. Ces dispositions ont ouvert la voie à une réflexion partagée sur l'organisation de la permanence des soins.
Dans le cadre défini aujourd'hui, la Cnam soumettra à ses interlocuteurs ses réflexions qui reposent sur les principes suivants :
- la permanence des soins doit s'intégrer dans l'organisation générale de soins ; on ne peut pas dissocier la permanence des problématiques liées à la répartition de l'offre de soins aux conditions d'exercice des professionnels dans telle ou telle zone (contrat de groupe, exercice en milieu rural) ;
- compte tenu du contexte budgétaire, l'enveloppe financière devra être compatible avec les objectifs fixés par le Parlement ;
- nécessité de tenir compte des organisations locales d'offre de soins tout en garantissant une cohérence nationale.
Déclinaison de ces principes :
- Elaboration d'un cahier des charges national fixant les critères de prise en charge de la permanence.
- Déclinaison au niveau de la région.
Le législateur a confié aux partenaires conventionnels la fixation des rémunérations des médecins intervenant dans la permanence. Le cadre naturel de cette démarche est donc le cadre conventionnel, mais nous avons déjà eu l'occasion de montrer que nous savons trouver avec les syndicats toute forme de concertation (comme pour l'accord du 5 juin sur la visite). »
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