« MA POLYARTHRITE, c'est un emprisonnement moteur et psychologique. »« C'est quinze ans sans soulagement, même avec des comprimés. »« J'ai consulté trois médecins, successivement. Ce n'est qu'au bout de deux ans et demi qu'un rhumatologue a diagnostiqué une PR. » Ces mots de patients, recueillis lors des journées nationales d'information sur la polyarthrite rhumatoïde, témoignent des difficultés créées par cette maladie qui touche 300 000 personnes en France et qui reste mal connue. Il « existe de nombreuses études scientifiques sur les mécanismes de la PR mais, à ce jour, aucune ne s'est intéressée à l'aspect humain et au quotidien des personnes atteintes », note l'AFP (Association française des polyarthritiques).
L'enquête réalisée par l'institut Louis Harris Médical, à la demande de l'association, confirme l'immense besoin de s'exprimer des personnes concernées : 20 468 personnes ont été sollicitées, 14 000 ont répondu, dont 12 454 ont été retenues dans l'analyse. Parmi elles, 7 702 malades (dont 43 % adhérents de l'AFP), 2 834 membres de l'entourage (contactés par téléphone) et 1 918 médecins (cités par les patients et qui ont rempli un questionnaire).
Le délai du diagnostic supérieur à deux ans.
Un des premiers résultats de cette enquête, intitulée « Regards sur la polyarthrite rhumatoïde », est de réaffirmer la notion d'urgence dans cette maladie chronique évolutive. Dans cet échantillon qui confirme la prépondérance féminine de l'affection (81 % de femmes parmi les malades), sa survenue à un âge plutôt jeune (40 ans pour les femmes, 45 ans pour les hommes en moyenne), le délai moyen entre l'apparition des premiers signes et le diagnostic est supérieur à deux ans. « Pire, 16 % des malades ont dû attendre entre trois et dix ans », commentent les analystes. D'autant plus, insistent-ils qu'a également été mise en évidence une autre réalité, déjà connue mais tout aussi « inacceptable » : plus le diagnostic est retardé, plus les destructions articulaires sont irrémédiables. Le score au HAQ (Health Assessment Questionnaire), série de 20 items qui mesure le degré de sévérité de la maladie, augmente, dans cette étude, avec le délai écoulé entre les premiers signes et le diagnostic, mais aussi avec l'âge au moment du diagnostic. Dans 7 % des cas, les patients ont présenté un score correspondant à un besoin d'aide quasi permanent pour les gestes de la vie courante.
La douleur est au premier rang des plaintes des patients. Elle concerne 96 % d'entre eux. Parmi eux, 37 % la qualifient d'intense ou d'extrêmement intense et 45 % la décrivent comme permanente. Le retentissement est important dans de nombreux domaines de leur vie : activités professionnelles ou domestiques (67 % des malades), vie sociale et affective (40 % se plaignent de difficultés de relation avec l'entourage). Déclenchée par une activité quotidienne banale (53 %), elle est difficilement soulagée par les médicaments (40 % des malades interrogées). Les patients jugent leurs douleurs articulaires très handicapantes, fluctuantes et imprévisibles. Ils ont, de plus, le sentiment qu'elles sont sous-estimées, que ce soit par leur famille (37 % des malades) ou par le médecin (14 %), qui méconnaît leur intensité ou leur particularité.
Parcours du combattant.
Quant au suivi médical, il s'apparente très souvent à un parcours du combattant : près de la moitié de l'échantillon (42 %) a eu recours à la chirurgie et a subi 3,9 interventions en moyenne, 28 % ayant eu plus de 5 interventions successives. La consultation chez le médecin est fréquente : 80 % ont consulté un rhumatologue, 5,2 fois en moyenne dans l'année, et 58 % un généraliste, 5,7 fois. Malgré cela, 41 % des malades interrogés estiment que leurs capacités physiques se sont détériorées au cours de l'année écoulée.
L'enquête révèle par ailleurs, d'importantes lacunes dans la prise en charge : 11 % des malades ne reçoivent aucun traitement et 89 % des patients traités ne prennent qu'un corticoïde. Plus de 80 % s'estiment cependant bien informés par leur médecin sur les traitements et leurs effets secondaires (68 %), mais peuvent se sentir « enfermés », sans alternative possible : seulement la moitié est informée des nouveaux traitements, par exemple. Le recours à d'autres professionnels, dont on sait qu'ils jouent un rôle essentiel, est rare : 30 % vont chez le kinésithérapeute et 8 % chez l'ergothérapeute.
La prise en charge psychologique reste, elle aussi, insuffisante : seulement 7 % des malades ont consulté un psychiatre ou un psychologue au cours de l'année écoulée. Or les souffrances physiques et morales sont fortement imbriquées. Fatigue (84 % des patients) et problèmes de sommeil (59 % d'entre eux) aboutissent à un épuisement physique et moral.
Les déformations physiques (60 %) provoquées par la maladie sont une autre source de difficultés psychologiques. D'autant plus que s'ajoutent une discrimination sociale et des problèmes d'exclusion du monde du travail : seulement 29 % de l'échantillon exercent une activité professionnelle rémunérée, sans compter les répercussions négatives sur la vie amoureuse ou sexuelle et le désir d'enfant.
L'AFP milite pour une meilleure reconnaissance de la spécificité des états douloureux de la PR, leur prise en charge par d'autres techniques : acupuncture, sophrologie, relaxation, autohypnose et prise en compte des répercussions psychosociales. L'ensemble des revendications est formulé dans une brochure réalisée à partir de l'enquête et disponible à l'association (53, rue Compans, 75019 Paris, www.polyarthrite.org).
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