Facteur de risque
L'hypertension artérielle (HTA) est le facteur de risque le plus fréquent dans la population des pays occidentaux. A travers le monde, ce sont environ
500 millions de personnes qui souffrent d'hypertension. La relation entre HTA et augmentation du risque d'accidents cardio-vasculaires est continue et indépendante des autres facteurs de risque. L'HTA augmente ainsi le risque d'infarctus, d'insuffisance cardiaque, d'accident cardio-vasculaire et d'insuffisance rénale. Son incidence est largement sous-estimée en raison du faible nombre de patients diagnostiqués et du peu de patients contrôlés sous thérapeutique. Souvent, le diagnostic sera fait alors que le patient souffre déjà d'une complication. Chez l'hypertendu, la dyspnée devra donc être prise en compte très sérieusement car elle peut témoigner de l'apparition d'une complication.
Révélation
1. Dyspnée : mode de révélation de l'HTA.
L'hypertension est une maladie insidieuse. Pour la même charge tensionnelle, un patient peut être totalement asymptomatique alors qu'un autre présentera un cortège de symptômes associant : fatigabilité, irritabilité, vertiges, céphalées, troubles visuels, flush ou dyspnée. Ces signes cliniques ne sont pas spécifiques mais surtout ils relèvent souvent de la subjectivité et peuvent être sous-estimés par le praticien. La dyspnée, liée à l'augmentation du travail cardiaque pour lutter contre une postcharge plus élevée, est donc classiquement un des modes possibles de révélation de l'HTA qu'il faudra savoir prendre en compte, surtout lorsqu'elle est associée à d'autres symptômes.
Déséquilibre
2. Dyspnée : mode de révélation d'un déséquilibre tensionnel chez un hypertendu traité
Chez un patient hypertendu connu et traité, l'apparition d'une dyspnée peut témoigner d'un déséquilibre récent des chiffres tensionnels. Ce déséquilibre peut être lié à l'évolution naturelle de la maladie, à la tachyphylaxie à certains anti-hypertenseurs (anti-hypertenseurs centraux), aux médications associées dans le cadre d'interactions médicamenteuses (corticoïdes) ou à des comorbidités associées (insuffisance rénale).
Effet iatrogène
3. Dyspnée : effet iatrogène d'une thérapeutique anti-hypertensive
Certaines thérapeutiques peuvent générer une dyspnée. C'est le cas des molécules bradycardisantes, le plus souvent les bêtabloquants. Ils peuvent entraîner une insuffisance chronotrope lorsque les posologies sont trop importantes. Pour un effort donné, la fréquence cardiaque restera trop lente, et le débit cardiaque trop faible, avec apparition d'une dyspnée. Le simple fait de diminuer les doses permettra le plus souvent de régler le problème.
Complication
4. Dyspnée : mode de révélation d'une complication de l'HTA
L'apparition d'une dyspnée récente chez un patient hypertendu doit bien entendu orienter vers la recherche d'une complication de l'HTA. Il faut garder à l'esprit que l'HTA est le facteur de risque le plus répandu dans la population, pourvoyeuse de redoutables complications engageant le pronostic vital.
4.1 Troubles du rythme cardiaque
4.1.a) Troubles du rythme supraventriculaires.
L'HTA est consécutive à l'augmentation de pression dans la circulation systémique. Pour assurer l'éjection lors de chaque systole, le travail cardiaque s'accroît et le ventricule gauche s'hypertrophie. Au départ, cette hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) est un mécanisme d'adaptation à l'augmentation de la postcharge. Le développement de l'HVG se fait au prix d'altérations de structure du muscle myocardique provoquant surtout des anomalies de la relaxation ventriculaire gauche : le cœur se contracte normalement mais se relaxe mal, empêchant un remplissage correct. Les pressions en amont augmentent et l'oreillette gauche se dilate (fig. 1).
La dilatation de l'oreillette gauche favorise l'apparition de troubles du rythme supraventriculaire souvent mal tolérés, la tachycardie venant raccourcir le temps de remplissage (diastole) d'un ventricule se remplissant déjà mal à l'état de base. De plus, la systole auriculaire, importante pour finir le remplissage du ventricule gauche en fin de diastole, disparaît concourant à l'aggravation du défaut de remplissage. En résulte une baisse du débit cardiaque se traduisant cliniquement par une dyspnée.
Il peut s'agir de tachycardies atriales, de flutter auriculaire, mais le plus souvent de fibrillations auriculaires.
4.1.b) Troubles du rythme ventriculaire.
Les altérations structurelles du myocarde (HVG) liées à la surcharge barométrique ventriculaire gauche favorisent également les troubles du rythme ventriculaire. Le plus souvent, il s'agit d'une hyperexcitabilité se manifestant par des extrasystoles ventriculaires isolées. Mais des formes plus malignes peuvent apparaître telles que bigéminisme ventriculaire, doublets et triplets d'extrasystoles, salves de tachycardies ventriculaires.
4.2 Insuffisance cardiaque diastolique.
Typiquement, la cardiopathie hypertensive associe le plus souvent en échographie une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique, une fonction systolique normale, des troubles de la relaxation au Doppler, une oreillette gauche dilatée et une insuffisance mitrale modérée, conséquence de l'augmentation de pression intraventriculaire. Lorsque les altérations de la relaxation ventriculaire gauche sont très importantes, le débit cardiaque diminue en raison d'un mauvais remplissage, générant une dyspnée d'effort : c'est l'insuffisance cardiaque diastolique. Les augmentations brutales de pressions artérielles sont souvent mal tolérées, engendrant parfois de véritables OAP, alors même que la fonction contractile du myocarde est préservée. Le diagnostic positif est échographique avec la mise en évidence au Doppler d'altérations sévères de la fonction diastolique ventriculaire gauche.
4.3 Insuffisance cardiaque systolique.
La complication la plus grave de l'HTA est l'insuffisance cardiaque systolique. En effet, les altérations structurelles du muscle cardiaque aboutissent au terme de plusieurs décennies d'évolution à l'altération de la fonction contractile myocardique. Après l'HVG, l'évolution se fait lentement vers la dilatation ventriculaire gauche et l'amincissement progressif des parois du ventricule gauche.
Dans la cohorte de Framingham, sur un suivi de plus de
vingt ans, après ajustement pour l'âge et les facteurs de risque associés, le risque de développer une insuffisance cardiaque est multiplié par 2 chez l'homme et 3 chez la femme en cas d'HTA. Dans cette étude, l'HTA est le facteur étiologique le plus fréquent d'insuffisance cardiaque, responsable de 40 % des cas chez l'homme et près de
60 % chez la femme.
Il faudra donc ne pas oublier de penser à cette complication lorsqu'un patient hypertendu se plaindra de dyspnée d'effort, le pronostic tous stades confondus de l'insuffisance cardiaque étant de 60 % de survie à cinq ans environ.
Référence : D. Levy, M.-G. Larson, R.-S. Vasan, W.-B. Kannel, K.-K. Ho, The progression from hypertension to congestive heart failure, « Jama »,1996 ; 275 : 1557-1562.
A retenir
Etiologies à rechercher devant une dyspnée chez un hypertendu :
- déséquilibre tensionnel,
- effets indésirables d'un traitement bradycardisant,
- troubles du rythme cardiaque,
- insuffisance cardiaque diastolique et systolique.
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