Observation
Mme X. Fatima, 25 ans, institutrice, a été traitée et guérie d'une tuberculose pulmonaire il y a deux ans. Son pneumo-phtisiologue nous l'a adressée pour une douleur « post-traumatique » du poignet que nous avons traitée comme une entorse pendant quinze jours sans aucune amélioration. L'examen clinique et le bilan radiologique standard étaient normaux. La patiente a bénéficié par la suite d'un bilan biologique inflammatoire et d'un bilan immunologique qui se sont révélés normaux. A quatre mois d'évolution, le diagnostic d'une infection de la main a été évoqué devant l'apparition de signes cliniques locaux à type d'œdème, de tuméfaction cutanée, avec douleur et impotence fonctionnelle de la main et du poignet sans signes généraux associés. Le bilan radiologique montrait une lyse osseuse extensive de la deuxième rangée du carpe.
Des prélèvements bactériologiques spécifiques et non spécifiques ont été faits et un traitement antibiotique probabiliste (amoxicilline + acide clavulanique) a été entrepris. Le résultat des prélèvements bactériologiques était négatif. Vingt et un jours après, les lésions radiologiques se sont aggravées et le remplacement de l'amoxicilline par une quinolone, pour améliorer la diffusion osseuse et le spectre d'action, n'a apporté aucune amélioration des lésions radiologiques.
Une biopsie chirurgicale a été décidée et l'analyse histologique a objectivé un granulome gigantocellulaire avec nécrose caséeuse caractéristique de l'infection tuberculeuse.
Sous traitement antituberculeux, la guérison totale a été obtenue en neuf mois. Mais l'évolution, après un recul de neuf ans, a été marquée par une diminution de la force de serrage de la main ainsi que de l'amplitude de flexion des trois premiers doigts, secondaire à une ankylose carpo-métacarpienne.
Quatrième position
La tuberculose ostéo-articulaire est rare, mais elle existe. Elle sévit encore dans les pays endémiques. Elle vient en quatrième position après la tuberculose pulmonaire, uro-génitale et ganglionnaire. Elle est fréquente chez l'adulte jeune de sexe féminin. Le début est souvent insidieux ; la fistule cutanée constitue le principal signe clinique évocateur, en l'absence d'une histoire infectieuse chronique. La tuberculose osseuse est rarement isolée, le plus souvent elle est secondaire à une autre localisation et sa dissémination se fait par voie hématogène. La localisation osseuse se déclare généralement un an après l'atteinte initiale.
Lyse
Le bilan radiologique montre une lyse osseuse extensive avec des images géodiques évocatrices au rachis lorsqu'elles sont en miroir.
La tuberculose du rachis est la plus fréquente (mal de Pott) ; l'atteinte extrarachidienne s'observe dans 30 à 40 % des cas. Elle touche souvent les articulations plus que l'os : hanche (coxalgie), genou, cheville, etc. L'atteinte osseuse (10 à 20 % des cas) prédomine au niveau des os plats surtout les côtes. Des cas de trochantérite tuberculeuse, de tuberculose multifocale et de rupture des tendons fléchisseurs d'origine tuberculeuse ont été rapportés dans la littérature.
Main, poignet, doigts
La tuberculose de la main est très rare, elle représente 2 à 4 % des cas. On lui associe les localisations au niveau du poignet et les gaines synoviales des tendons et des articulations des doigts ; la localisation au niveau du carpe est exceptionnelle. Son diagnostic est souvent très tardif, d'où le retentissement sur le pronostic fonctionnel de la main.
Présomption
Un certain nombre d'éléments de présomption diagnostique existent :
1) clinique :
- existence d'un terrain favorable, sida, diabète, corticothérapie... ;
- association parallèle à une autre localisation pulmonaire, uro-génitale ou ganglionnaire ;
- douleur osseuse chez un ancien tuberculeux ;
- caractère insidieux de l'atteinte ;
- fistule cutanée chez un patient non connu porteur d'une ostéite chronique ;
- résistance au traitement antibiotique non spécifique ;
2) radiologique :
- géodes en miroir et discordance clinico-radiologique ;
3) biologique :
- IDR (intradermo-réaction) à la tuberculine phlycténulaire et leucopénie avec inversion de la formule leucocytaire.
Le diagnostic de certitude repose sur l'identification du germe qui est exceptionnelle. La biopsie osseuse reste le seul moyen diagnostique simple et fiable. Quelle soit chirurgicale ou percutanée, elle fait le diagnostic dans 9/10 cas et cela a été confirmé par plusieurs auteurs.
Traitement
Le traitement de la tuberculose osseuse est médical, selon le dernier consensus de l'OMS. Il repose sur l'association de plusieurs antituberculeux dont les plus utilisés actuellement sont : rifampicine (R), isoniazide (H), pyrazinamide (Z), éthambutol (E) et streptomycine. Dans notre pays (Maroc, ndlr), et depuis 1995, nous traitons la tuberculose selon un protocole court de neuf mois : deux mois de RHZE puis sept mois de RH. L'évolution, sous traitement médical seul, se fait vers la guérison, mais le pronostic fonctionnel de la main dépend de la précocité du diagnostic.
La tuberculose carpienne est une localisation exceptionnelle de la tuberculose osseuse de diagnostic difficile qu'il faut évoquer pour pratiquer une biopsie osseuse.
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