En France métropolitaine, deux millions de patients sont atteints de diabète de type 2, soit une prévalence de 3 %. La Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) évalue ce nombre à partir des remboursements de traitements antidiabétiques (antidiabétiques oraux et insuline), corrigé du chiffre des diabétiques de type 2 traités par régime seul et de celui des diabétiques de type 1. Sa fréquence, sans avoir vraiment doublé entre 1992 et 1998, a « franchement augmenté récemment en France », note le Dr Dominique Simon (Groupe la Pitié-Salpêtrière et unité 258 de l'INSERM), dans le numéro spécial du « BEH » consacré par l'Institut de veille sanitaire (InVS) aux nouvelles données épidémiologiques de cette « réalité sanitaire préoccupante ». On parle même d'« une épidémie annoncée ».
Cette progression se retrouve dans les derniers chiffres de la mortalité attribuée au diabète en France. En 1999, 9 779 décès ont été dénombrés avec le diabète pour cause initiale, plus de la moitié étant féminins et deux sur trois survenant après 75 ans. Mais si l'on prend en compte l'ensemble des causes de décès, initiales et associées, le chiffre atteint, toujours pour 1999, 26 732. En tête des causes associées, quel que soit le sexe, les maladies cardio-vasculaires (un décès sur deux, dont un sur cinq pour les cardiopathies ischémiques), suivies, par ordre décroissant, des cancers du poumon, du foie, de l'intestin, de la prostate, du pancréas et des tumeurs des voies aérodigestives supérieures (VADS). A noter la forte variabilité sociale de ces données : en cause initiale, le diabète tue nettement plus les ouvriers-employés que les cadres supérieurs-professions libérales (respectivement 1,8 et 0,6 pour 100 000).
La plus importante étude jamais réalisée
Meilleure connaissance de la maladie par le dépistage, allongement de la durée de vie avec une plus grande fréquence associée des pathologies chroniques comme le diabète, ou augmentation réelle de la prévalence, l'InVS ne tranche pas.
Quoi qu'il en soit, dans ce contexte « alarmant », tant au plan international que français, le « BEH » livre les résultats du programme d'intervention en santé publique mis en place en 1999 par la CNAMTS, la Mutualité sociale agricole et l'assurance-maladie des professions indépendantes. Sur les années 1998, 1999 et 2000, cette étude, la plus importante jamais réalisée, a été menée à partir de rencontres entre les médecins-conseil des caisses et 22 940 praticiens (35,7 % du total des libéraux et des hospitaliers) portant sur la prise en charge des 911 871 diabétiques non insulinotraités, identifiés par les codes des médicaments remboursés (90 % de l'ensemble des malades traités par des médicaments). Les résultats sont spectaculaires : la proportion de patients ayant bénéficié au cours d'un semestre d'un dosage d'hémoglobine glyquée (HbA1c), suivant les recommandations de l'ANAES, est passée de 41,3 % en 1998 à 60,6 % en 2000, soit une progression de 46,7 %. Inversement, la proportion sur cette période de patients uniquement suivis par des glycémies a diminué de moitié, passant de 38,4 % à 19 %.
Pour le dépistage annuel des complications ophtalmologiques, également recommandé par l'ANAES, la progression a été certes moindre, mais n'en a pas moins profité à 24 000 malades supplémentaires. Idem pour le dépistage des complications cardio-vasculaires par un ECG : 30,2 % en 2000 contre 27,9 % en 1998. Enfin, pour le dépistage des complications néphrologiques, on passe de 67 % à 71 % et pour les dosages de la microalbuminurie de 10,8 % à 15,4 %.
Moralité, conclut le Dr Alain Weill (CNAM-TS) : le dispositif en réseau ou du médecin référent peut constituer « une réponse adaptée à la situation » : il assure « au médecin généraliste un rôle de coordination des soins et de suivi du patient en favorisant la communication avec spécialistes et paramédicaux ». Une coordination cardinale pour mieux inciter à obtenir du système de santé les examens préconisés et responsabiliser davantage les malades. La mise en place d'un programme incitation a donc « largement porté ses fruits ». Une réelle amélioration de la prise en charge médicale a été obtenue.
Activités physiques et meilleure alimentation
L'incitation des médecins traitants à poursuivre dans cette voie ne saurait naturellement dispenser d'une politique de prévention. L'obésité avec répartition abdominale prédominante des graisses est reconnue comme un important facteur de risque (afflux majeur des acides gras libres dans la veine porte, entraînant une hyperinsulinémie, une insulino-résistance, et des anomalies de la tolérance au glucose qui peuvent aller jusqu'au diabète de type 2). La promotion des activités physiques et d'une meilleure alimentation par des campagnes d'information est donc décisive pour casser la courbe de progression de la maladie. Des campagnes qui devraient subsidiairement réduire la morbidité et la mortalité cardiovasculaires, souligne le Dr Simon.
* Numéro à paraître le 22 mai.
Aux Etats-Unis, une épidémie
Dix-sept millions d'Américains souffrent de diabète, dont 5,9 millions l'ignorent, et l'incidence de la maladie progresse de 6 % chaque année aux Etats-Unis, selon l'American Diabetes Association. Dans l'éditorial d'un numéro spécial du « JAMA » (15 mai) consacré au diabète, le Dr Christopher Saudek, président de l'ADA, parle d' « épidémie » et souligne que « le coût humain et économique des diabètes s'accroît en proportion et impose une réponse concertée et globale ».
Une campagne de sensibilisation fin mai
L'Association française des diabétiques* lancera fin mai une nouvelle campagne de sensibilisation destinée à toucher le grand public et les patients diabétiques. Son thème : « Trop ou pas assez de sucre est le risque permanent des diabétiques. » Les deux visuels représentent une route avec des sucres symbolisant la bande centrale (avec le slogan « Dépassement dangereux ») ou les lignes d'un passage piétons (« Dépassement dangereux »). La campagne se poursuivra dans les médias jusqu'en décembre.
* 58, rue Alexandre-Dumas, 75544 Paris Cedex 11, tél. 01.40.09.24.25, www.afd.asso.fr
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