Une molécule capable de stimuler la sécrétion d'insuline et le métabolisme hépatique du glucose vient d'être identifiée par des chercheurs américains (Nutley, New Jersey). Cette molécule permet d'augmenter l'activité de la glucokinase, une enzyme clé de la régulation de l'homéostasie du glucose. En conséquence, les chercheurs l'ont nommée GKA pour « GlucoKinase Activator ». Les résultats des tests précliniques suggèrent que le GKA pourrait constituer une nouvelle classe de médicaments très efficace dans le traitement du diabète de type 2.
La glucokinase (GK) est exprimée dans les cellules ß du pancréas et dans le foie. En catalysant la phosphorylation du glucose en glucose-6-phosphate, la GK participe à une étape du métabolisme du glucose préalable à son effet insulinosécréteur. Cette enzyme permet ainsi la régulation de la sécrétion d'insuline par le pancréas et l'élimination du glucose dans le foie.
Les mutations du gène codant pour la glucokinase constituent la cause la plus fréquente du diabète de type MODY 2 (maturity-onset diabetes of the young 2). Un grand nombre de mutations du gène GK conduisent en effet à une diminution de l'affinité de l'enzyme pour son substrat et à une réduction de la vitesse de la réaction qu'elle catalyse.
D'importants bénéfices cliniques
Une molécule capable d'activer la GK mutée pourrait apporter d'importants bénéfices cliniques à cette catégorie de diabétiques. Un activateur de la GK profiterait par ailleurs à l'ensemble des malades atteints de diabète de type 2.
Ces considérations ont conduit Grimsby et coll. à entreprendre le criblage d'une banque de 120 000 composés chimiques dans l'espoir d'y trouver une molécule capable d'augmenter l'activité de la GK.
Ce lourd travail leur a effectivement permis d'identifier une molécule activant la GK in vitro. Des procédés de chimie ont ensuite permis la synthèse d'une version optimisée de la molécule identifiée par criblage. La molécule optimisée a été baptisée GKA.
In vitro, les chercheurs ont montré que le GKA augmente l'activité de la GK de manière dose-dépendante : l'affinité de l'enzyme pour le glucose (mais pas pour l'ATP) et la Vmax de la réaction de phosphorylation sont significativement augmentées en présence de 3 µM de GKA. Grimsby et coll. ont en outre démontré que le GKA n'avait pas d'effet sur l'activité des hexokinases du cerveau ou des muscles (HK-I et HK-II). Le GKA semble donc être spécifique de la GK. L'effet bénéfique du GKA a ensuite été vérifié sur des îlots pancréatiques de rat fraîchement isolés. Là encore, la molécule a montré son intérêt thérapeutique.
Par voie orale
Les chercheurs ont donc décidé de tester le GKA in vivo sur différents modèles murins du diabète de type 2. La molécule a été administrée aux animaux par voie orale. Une réduction dose-dépendante de la concentration du glucose sanguin a été observé chez l'ensemble des rongeurs traités. Parallèlement à cette réduction de la glycémie, les chercheurs ont pu observer une augmentation de la concentration en insuline dans le plasma des animaux.
Un test de tolérance au glucose a également été réalisé. Il a montré que le GKA améliore significativement le contrôle postprandial de l'homéostasie du glucose.
Enfin, l'utilisation d'un champ constant (« clamp ») a conduit les auteurs a mettre en évidence l'effet direct du GKA sur le foie : la molécule stimule l'usage du glucose par la GK au niveau de cet organe.
Il apparaît donc que le GKA possède un mécanisme d'action double qui permet non seulement la sécrétion d'insuline par le pancréas, mais aussi le captage hépatique du glucose. Actuellement, pour bénéficier d'un tel effet, les diabétiques doivent prendre deux médicaments : un dérivé de la sulfonylurée et de la metformine. Si e GKA montre chez l'homme une efficacité comparable à celle observée chez la souris et le rat, ces patients n'auraient plus qu'un seul médicament à prendre.
Cependant, le GKA devra être encore optimisé de manière a être suffisamment sûr et efficace pour que des essais cliniques chez l'homme puissent être envisagés.
J. Grimsby et coll., « Science » du 18 juillet 2003, pp. 370-373.
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