C OMME l'a rappelé Bart Staels (Lille), les glitazones ont un mécanisme d'action original en se liant à un récepteur nucléaire de la famille des stéroïdes, le PPAR gamma, ce qui induit différentes synthèses protéiques.
Le PPAR gamma est présent dans les adipocytes, mais aussi dans d'autres cellules, notamment au niveau des parois vasculaires, ce qui ouvre des perspectives intéressantes dans le cadre de la lutte contre l'athérosclérose.
Quoi qu'il en soit, les glitazones induisent la différenciation de nouveaux adipocytes métaboliques lents actifs et, parallèlement, l'apoptose des adipocytes hypertrophiques qui ont un rôle néfaste en libérant dans le sang les différentes substances (acides gras libres, leptine, résistines, TNF alpha, etc.) qui contribuent au développement de l'insulinorésistance. Que ce soit par ce mécanisme ou par d'autres, les glitazones entraînent une diminution importante de l'insulinorésistance hépatique et musculaire. C'est pourquoi le Pr B. Charbonnel (Nantes) estime que les glitazones représentent la première classe thérapeutique directement efficace sur l'insulinorésistance.
Une efficacité hypoglycémiante démontrée
En clinique, les glitazones diminuent la glycémie à jeun et postprandiale et améliorent l'HbA1c en moyenne de 1 % à six mois, avec des variations de 0,7 à 2,3 %. Un résultat obtenu progressivement en quelques semaines, qui semble se prolonger dans le temps. On observe en monothérapie ou en association aux sulfamides ou à la metformine (en comparaison aux sulfamides ou à la metformine seule). Le Pr Charbonnel rappelle que seule cette bithérapie a reçu pour l'instant l'AMM européenne, qu'il s'agisse de la pioglitazone (Actos) ou la rosiglitazone (Avendia). Aux Etats-Unis, au contraire, les glitazones ont obtenu l'AMM en monothérapie initiale. L'adjonction d'une glitazone apparaît en tout cas comme une option thérapeutique efficace chez les patients mal contrôlés par sulfamides ou metformine.
En outre, les glitazones exercent des modifications des taux de lipides, la pioglitazone étant, pour le Pr Charbonnel, celle qui, sur ce plan, a le profil le plus favorable : augmentation du HDL cholestérol et des triglycérides, tandis que le LDL cholestérol ne change pas, peut-être par diminution des lipoparticules denses athérogènes.
Des médicaments bien tolérés
Les glitazones sont vasodilatatrices, entraînant un dème des membres inférieurs, réversible à l'arrêt, dans environ 5 % des cas. A la différence de la troglitazone, la pioglitazone et la rosiglitazone n'ont pas d'effets hépatiques délétères. Une certaine prise de poids est observée, ce qui est logique, compte tenu de la différenciation de nouveaux adipocytes ; toutefois, il faut distinguer la prise de poids qui est la conséquence directe du meilleur contrôle du diabète, l'effet des glitazones n'étant responsables que d'une prise de poids moyenne de 2 à 3 kg, qui se stabilise à six mois.
Malgré la prise de poids, au demeurant limitée, l'effet bénéfique des glitazones sur l'insulinorésistance se maintient, sans doute parce que ces substances modifient la répartition des graisses : la différenciation de nouveaux adipocytes survient dans les régions sous-cutanées et non pas au niveau abdominal ; or, souligne le Pr Charbonnel, ce sont la graisse intraabdominale et le contenu lipidique hépatique et musculaire qui sont associés à l'insulinorésistance et aux risques vasculaires.
Si les glitazones sont contre-indiquées chez l'insuffisant cardiaque et, dans l'attente d'études complémentaires, en association à l'insuline (en Europe, mais pas aux Etats-Unis), elles peuvent être employées chez le sujet âgé et dans l'insuffisance rénale modérée à raison d'une seule prise par jour pour la pioglitazone et d'une ou deux prises quotidiennes pour la rosiglitazone.
Le mécanisme d'action original, le maniement facile et la bonne tolérance font que les diabétologues français attendent, avec une certaine impatience, la prochaine commercialisation de ces produits. Sans parler de perspectives de recherche très prometteuses : les glitazones pourraient protéger la cellule bêta-pancréatique de la dégradation progressive qui caractérise la fonction d'insulinosecrétion du diabète de type 2. En outre, les glitazones pourraient avoir un effet spécifique de protection cardio-vasculaire au-delà de leur effet sur la glycémie, les lipides (pour la pioglitazone) et l'insulinorésistance.
Une grande étude européenne, dans laquelle la France sera impliquée, est d'ailleurs en cours avec la pioglitazone pour valider cet effet de protection possible sur la morbi-mortalité cardio-vasculaire chez des diabétiques à haut risque vasculaire.
L'apport des glinides
Pour leur part, le Dr J.-C. Henquin (Bruxelles) et le Pr Serge Halimi (Grenoble) ont analysé l'apport des glinides, molécules que le Pr Halimi présente comme des insulinosecréteurs de seconde génération, qui agissent sur les récepteurs des sulfamides, mais avec une affinité et, surtout, une cinétique différente de celles des sulfamides. Entrent dans cette famille le répaglinide (Novonorm), le mitiglinide développé par les Laboratoires Servier et le natéglinide (Starnix), même si cette molécule occupe une place à part, dérivée de la phénylalanine, alors que les autres molécules sont issues de recherches portant sur un terminal (dont on ne connaissait pas la signification) présent sur la molécule de glibenclamide.
Globalement, ces produits présentent donc l'intérêt d'agir précocement sur les pics d'hyperglycémie postprandiaux, avec une prise avant chaque repas. Une approche qui repose sur un raisonnement scientifique dans la mesure où l'étude DECODE a montré notamment que la mortalité cardio-vasculaire est corrélée avec le taux de glycémie non pas post-prandiale, mais deux heures après une hyperglycémie provoquée orale.
Certains ont extrapolé ces données à l'hyperglycémie postprandiale ; cela est un peu rapide, estime le Pr Halimi. Mais il est vrai que, pendant longtemps, on a trop considéré le risque vasculaire en termes de micro-angiopathie, ce qui donnait à la glycémie à jeun une grande importance. La préoccupation de prévenir les conséquences macro-angiopathiques du diabète de type 2 amène à reconsidérer les choses et à accorder plus d'importance à ces pics postprandiaux.
Les essais cliniques menés avec les premiers glinides développés mettent en évidence, versus placebo, une efficacité incontestable, avec une diminution moyenne de l'HbA1c comprise entre 1,5 et 2,5 %.
En outre, les glinides semblent réduire significativement le risque d'hypoglycémie sévère par rapport aux sulfamides, même si le nombre des hypoglycémies modérées paraît assez comparable : souvent, il survient avec de faibles doses chez des sujets naïfs de sulfamides et bons répondeurs, cela pour une efficacité à peu près équivalente à celle des sulfamides.
Des réponses encore partielles
Toutefois, remarque le Pr Halimi, ce développement clinique a été jusqu'à présent réalisé pour répondre aux exigences des agences d'enregistrement européennes ou américaines. Il ne permet sans doute pas de définir les conditions optimales d'utilisation des glinides, d'autant que l'intérêt du passage d'un sulfamide à un glinide n'est pas documenté et que le transfert dans les études de monothérapie versus placebo ou autre antidiabétique oral se sont révélés décevants.
On peut penser que les glinides peuvent rendre des services au moins aussi importants à un stade plus précoce de la maladie, surtout s'il se confirme que la correction des pics postprandiaux à ce moment modifient le pronostic cardio-vasculaire.
En outre, la synergie avec la metformine ou la troglitazone est bien établie et l'association de glinide sera sûrement un atout important pour atteindre les objectifs ambitieux d'hémoglobine glyquée.
Au total, estime le Pr Halimi, il reste à mener des études sur les glinides, même si ces molécules ont ou vont démontrer une bonne efficacité, un meilleur contrôle des périodes postprandiales, une moindre fréquence des hypoglycémies sévères et une prise de poids très modérée (de 1 à 3 kg).
Il faudra en effet, conclut-il, évaluer avec plus de précision les bénéfices à long terme, en termes de mortalité cardio-vasculaire, d'un traitement par les glinides, en particulier s'il est mis en place tôt dans l'histoire de la maladie. Enfin, il faudra vérifier qu'en termes d'observance il est préférable d'adapter la politique du « one meal, one pill », alors que les sulfamides se sont orientés vers la monoprise quotidienne.
Cette table ronde de l'Alfediam a bien montré que, après des années de très grande stabilité de l'arsenal thérapeutique du diabète de type 2, nous découvrons aujourd'hui beaucoup de nouveautés et discernons beaucoup de nouvelles pistes. Les diabétologues espèrent pouvoir déterminer au plus vite la place optimale de ces différentes molécules, une fois les obstacles réglementaires et économiques franchis.
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