Si l'augmentation du risque de fractures dans le diabète de type 1, via l'ostéopénie, est bien connue, le phénomène restait jusqu’à présent davantage controversé dans le diabète de type 2 (DT2) où la DMO est généralement significativement plus élevée.
Le risque de fracture sous-estimé dans le DT2
Des données épidémiologiques et des essais cliniques récents, présentées à l’occasion du Congrès mondial sur l’ostéoporose, l’arthrose et les maladies musculo-squelettiques, organisé conjointement à Milan par l’IOF* et l’ESCEO** ont changé la donne, apportant des arguments forts en faveur d’une augmentation du risque de fractures dans le DT2. « À DMO et FRAX identiques, le risque fracturaire est plus important chez le diabétique », souligne le Pr Bo Abrahamsen (Copenhague). « Le DT2 est donc un facteur de risque supplémentaire, indépendant des autres facteurs de risques osseux. Le FRAX et la DMO sous-estiment le risque fracturaire chez le diabétique. » Ce risque est lié à l’augmentation du risque de chute, à la baisse du seuil fracturaire, et à l'altération de la qualité osseuse. Le risque de chute chez le sujet âgé est plus élevé chez le diabétique que chez le non diabétique en raison des hypoglycémies mais aussi de l'hypotension orthostatique et de la dysfonction vestibulaire plus fréquentes sur ce terrain.
De nombreuses études observationnelles, telle que la Women’s Health Initiative (WHI), ont mis en évidence un risque de fracture augmenté de 20 à 70 % en cas de diabète, d'autant plus élevé que le diabète est ancien et compliqué. La fragilité osseuse dans le DT2 se caractérise par des altérations de la qualité osseuse, de sa microarchitecture, par un déficit de la densité osseuse corticale et une diminution de la résistance osseuse.
« Diabétoporose »
« La physiopathologie est complexe et si certains de ces mécanismes sont communs avec l'ostéoporose idiopathique, d'autres sont plus spécifiques à la diabétoporose », explique le Pr Serge Ferrari (Genève).
Le glucose exerce une toxicité directe sur l'os : l'hyperglycémie augmente la résorption osseuse, diminue sa formation, réduit les possibilités de réparation osseuse par l'altération de la microcirculation et amoindrit la résistance osseuse par la diminution du collagène de type 1. L'adiponectine sécrétée par le tissu adipeux et impliquée dans l’insulinorésistance est aussi délétère pour le métabolisme osseux.
Dans une étude suédoise, le risque de fracture augmente avec l'élévation du taux d'adiponectine, indépendamment des autres facteurs de risque. L'augmentation de la sclérostine, inhibitrice de la formation osseuse, et la diminution de l’IGF1, déterminant de la masse osseuse, pourraient également être impliquées dans la fragilité osseuse.
Autre facteur particulier au DT2, les AGEs (Advanced glycation endproducts) comme la pentosidine, augmentés par l'hyperglycémie, s’accumulent dans le collagène osseux et peuvent fragiliser l’os. Dans une cohorte observationnelle, des niveaux de pentosidine urinaire élevés sont associés avec une augmentation du nombre de fractures, en particulier vertébrales, chez les diabétiques âgés mais pas chez les non- diabétiques. Le facteur de transcription PPAR,γsurtout présent dans le tissu adipeux et facteur d'insulinorésistance, favoriserait la différenciation des cellules souches multipotentes mésenchymateuses en cellules adipocytaires aux dépens de la lignée ostéoblastique.
Les incrétines plutôt favorables pour l'os
De façon logique, « un mauvais contrôle du diabète augmente donc le risque de fractures », indique le Dr Nicola Napoli (Washington). Mais, à l’inverse, un traitement bien suivi est-il le garant d’une moindre vulnérabilité osseuse ? « Tous les traitements du diabète n’ont pas le même impact sur le métabolisme osseux », répond le Dr Napoli. En dehors de la metformine dont l’effet osseux est neutre, les traitements les plus anciens sont plutôt délétères. L’insuline double pratiquement le risque de fracture, les sulfamides augmentent le risque de chutes par les hypoglycémies, les glitazones augmentent la perte osseuse et le risque de fracture.
Les incrétines semblent en revanche plus favorables pour l’os. Chez l'animal, les agonistes de la GLP1 préviennent l’ostéopénie en favorisant la formation osseuse et en inhibant sa résorption. Le liraglutide augmente la DMO au niveau de la hanche, de la colonne vertébrale et du col du fémur et une méta-analyse d’essais randomisés montre une réduction du risque de fracture avec les agonistes du GLP1. Les anti-DP4 augmentent aussi la DMO au niveau fémoral et vertébral, réduisent le risque de fracture mais aussi celui de chutes en diminuant les hypoglycémies.
Les nouveaux antidiabétiques de type inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) ont été impliqués dans des troubles de la minéralisation osseuse mais la glifozine et l’apaglifozine n’auraient pas d’impact à long terme sur le turnover osseux et serait bénéfique pour la prévention des chutes. En revanche, on reporte, dans une analyse de 8 essais cliniques menés avec la canagliflozine, des altérations de la minéralisation osseuse et, peut-être, un risque augmenté de fracture pour lequel la FDA a d’ailleurs demandé d'autres études de tolérance.
** European society for clinical and economic aspects of osteoporosis and osteoarthritis.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature