Le diabète insulinodépendant, ou diabète de type 1, est une maladie auto-immune caractérisée par une destruction progressive et élective des cellules bêta des îlots de Langerhans et une quasi-disparition de la sécrétion d'insuline. Le début est souvent brutal, par un coma acidocétosique, parfois après un épisode infectieux diarrhéique. Cependant, on estime que cet épisode n'est que révélateur et que le processus diabétique a commencé des années avant par une inflammation autour des îlots de Langerhans. L'infiltration gagne ensuite les îlots avec apparition, d'abord de macrophages, puis de lymphocytes T CD4 et, enfin, des lymphocytes T CD8. Les premiers signes cliniques apparaissent donc après une longue phase d'évolution « silencieuse » lorsque 80 % des cellules bêta sont détruites et que la production d'insuline est très diminuée.
Malgré les injections d'insuline, la maladie continue son évolution inexorable vers la destruction totale et l'effondrement de la production d'insuline. On estime que l'espérance de vie de ces patients est écourtée en moyenne de quinze ans.
Des recherches en vue d'un traitement étiologique, arrêtant la réponse immune ont débuté il y a une quinzaine d'années. En France, des chercheurs s'appuyant sur le modèle de la greffe, ont utilisé la ciclosporine. Des résultats significatifs avec de nombreuses rémissions ont été obtenus, mais au prix d'effets secondaires importants : il fallait maintenir indéfiniment l'immunosuppresseur chez ces sujets jeunes et diabétiques. Cette stratégie a été abandonnée et les recherches se sont orientées vers des méthodes qui tentent de stopper la réponse immunitaire sans qu'il soit nécessaire de continuer indéfiniment le traitement.
Deux voies de recherche sont sur le point d'aboutir : l'une conduite par l'équipe du Pr Jean-François Bach à l'hôpital Necker, à Paris (voir encadré), l'autre par celle du Pr Irun Cohen (département d'immunologie de l'Institut Weizman, Israël).
Un essai de phase II avec le DiaPep
Le « Lancet » publie les résultats d'un essai de phase II concernant le DiaPep, molécule mise au point par cette équipe. Les chercheurs se sont intéressés à une protéine particulière, HSP60 (protéine de choc thermique) dont l'expression est accrue en cas de « stress » cellulaire. Elle n'est pas spécifique de l'îlot de Langerhans, mais est présente de manière anormalement élevée en cas d'inflammation de l'îlot et, donc, en cas de diabète. Injectée par voie parentérale, cette protéine (ou un de ses fragments peptidiques) se comporte comme un antigène et induit une tolérance immunitaire caractérisée par une paralysie de l'immunité contre ce peptide. De plus, par un effet de proximité, cette paralysie s'étend aux autres antigènes de l'îlot, supprimant toutes les autres réponses immunitaires locales. Des études expérimentales sur la souris ont montré qu'un fragment peptidique (P277) de cette protéine arrêtait la réponse immune et freinait l'évolution du diabète de type 1. « Le peptide agit en rééduquant les cellules de l'immunité, neutralisant leur activité destructrice ».
Ces travaux préliminaires ont conduit à l'élaboration d'une molécule de synthèse, DiaPep277 (laboratoire israélien Peptor). Des essais de phase I ont vérifié que la molécule, qui agit comme un vaccin, n'aggravait pas la maladie. En collaboration avec une équipe de médecins (Hadassah-Hebrew University Medical School, Jérusalem), le Pr Cohen est donc passé aux essais cliniques de phase II.
Un suivi pendant dix mois
L'essai contrôlé et randomisé a concerné 35 patients diabétiques récents suivis pendant dix mois. Un premier groupe de 18 patients a reçu 3 injections de DiaPep277 (au début de l'étude, à un mois et à six mois) ; l'autre groupe (17 patients) a reçu 3 injections de placebo au même rythme. Les patients ont continué à prendre leur dose d'insuline quotidienne. Leur production d'insuline endogène (dosage du peptide C) a été évaluée, ainsi que leur fonction immune (immunité cellulaire T).
Les résultats sont significativement positifs. La production d'insuline endogène a augmenté dans le groupe traité (concentration de C-peptide augmenté de 0,66 à 0,93 nmol/l), alors qu'elle chutait dans le groupe non traité (concentration de C-peptide diminué de 1,12 à 0,26 nmol/l). Les doses d'insuline quotidiennes sont restées stables chez les sujets traités, alors qu'elles augmentaient chez les sujets non traités.
Le taux d'interleukine 10 et d'interleukine 13, inhibant la réaction inflammatoire, est plus élevé chez les patients traités.
En dépit du petit nombre de patients, les résultats sont très encourageants car c'est la première publication d'un essai montrant un effet thérapeutique significatif sans effets secondaires associés. La production endogène d'insuline est préservée de façon stable.
Les chercheurs pensent que le mécanisme passerait par un changement dans la production des cellules auto-immune T : elles produiraient des cytokines T helper 2 au lieu de T helper 1.
Une fenêtre thérapeutique
Le traitement se fait sur une période courte et l'effet devrait être persistant. Il faudrait éventuellement renouveler les injections. L'étude ne concerne que les diabétiques récents de type 1 et, même dans ce cas, on sait que l'on intervient tardivement. Après quelques semaines d'évolution, la fenêtre thérapeutique se referme car trop de cellules bêta sont détruites. Se pose alors la question d'un traitement plus précoce des sujets à risque. Ces tout premiers résultats devront être encore confirmés : 5 études multicentriques de phase II sont déjà en cours chez les diabétiques de type 1.
« Lancet », vol. 358, 24 novembre 2001, pp. 1749-1753.
Une voie française prometteuse
L'équipe du Pr Jean-François Bach et du Pr Lucienne Chatenoud du laboratoire U25 (INSERM, hôpital Necker -Enfants-Malades, Paris) poursuit des recherches dans le traitement étiologique du diabète de type 1.
Elle utilise un anticorps monoclonal, le CD3. Cet anticorps n'est pas dirigé spécifiquement vers l'îlot de Langerhans, mais lorsqu'on l'injecte à une souris, elle induit un état de paralysie contre les réactions immunitaires dans l'îlot.
Expérimentalement, chez des souris qui viennent de débuter un diabète, l'injection de CD3 induit une rémission quasi définitive du diabète.
« L'effet est spectaculaire et durable et il suffit de donner le traitement pendant une semaine », déclare le Pr Bach au « Quotidien ».
Deux grands essais internationaux sont en cours :
- En Europe (Belgique et Allemagne, France) : essai en double aveugle dont les résultats seront connus dans un an (35 malades déjà inclus).
- Aux Etats-Unis (une quarantaine de malades inclus) : « Les résultats préliminaires sont largement aussi nets et encourageants que ceux publiés dans le "Lancet" », constate le Pr Jean-François Bach.
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