La santé en librairie
Le décor se présente plutôt bien, sous la plume du Pr Etienne-Emile Baulieu, préfacier du livre du Dr David Elia : non seulement nous vivons plus vieux, mais la recherche, en génétique et en biologie moléculaire en particulier, ne cesse de produire des résultats favorables à une très longue jeunesse et les succès des strogènes ne peuvent que nous laisser espérer « une situation du même type » avec la DHEA.
« Il faut avancer prudemment », souligne comme il se doit le chercheur, de toute façon résolu à avancer dans la connaissance des effets d'un produit qui pourrait apporter une réponse à « un désir fort légitime », celui de « pouvoir profiter au mieux des années les plus avancées ».
Une idée lumineuse
Reste alors au Dr David Elia, disciple convaincu de longue date du Pr Baulieu, de fournir aux lecteurs animés d'un tel désir, toutes informations utiles sur cette DHEA à laquelle beaucoup ont déjà confié leur futur sans attendre les médecins. Pour l'auteur, « l'idée de supplémenter des hommes et des femmes en DHEA est à coup sûr une idée lumineuse », tirée de la constatation de la baisse de sécrétion de DHEA avec l'âge et renforcée par l'expérience chère à David Elia du traitement hormonal substitutif de la ménopause. De plus, on sait tout de même pas mal de choses sur les lieux et temps de sécrétion de la déhydroépiandrostérone. Et « des millions d'Américains absorbent de la DHEA depuis fort longtemps sans que l'on ait mis en évidence de quelconque catastrophe sur le plan des complications de santé ».
Toutes ces informations réjouissantes tiennent en peu de pages. Il faut encore une page pour dire que l'absence de catastrophe de santé en Amérique ne peut tenir lieu de démonstration, compte tenu de l'incertitude concernant le contenu en DHEA des produits consommés outre-Atlantique et de leur qualité de complément alimentaire qui échappe à toute surveillance médicale. Il faudra en revanche 150 pages, soit les trois cinquièmes de l'ouvrage, pour faire l'analyse circonstanciée des études sérieuses réalisées sur le sujet, recenser les indications éventuelles et considérer l'état de la réglementation à ce jour.
L'on découvre ainsi que c'est à partir d'une étude tendant à montrer les heureux effets de la DHEA à fortes doses sur le lupus érythémateux disséminé que les effets secondaires, cutanés en particulier, ont pu être approchés, ce qui rend les extrapolations hasardeuses. Alors commence la longue liste des hypothèses et des points d'interrogations concernant les relations de la DHEA et des cancers de l'utérus, du sein, de l'ovaire, de la prostate ou autres ; de la DHEA et du système cardio-vasculaire ; de la DHEA et de la libido ; de la DHEA et du cerveau ; de la DHEA et des os et articulations... Si enthousiasmante que soit « l'aventure du DHEAge », lancée en 1998 autour des Prs Baulieu et Forette, elle n'a fourni à ce jour de réponses que modestes, qui concernent essentiellement « un sentiment de bien-être » pour la plupart, l'amélioration de l'état cutané des consommatrices et de la qualité osseuse chez les femmes de plus de 70 ans.
Médicament et non complément alimentaire
On se demande si, à ce jour, l'une des informations essentielles sur la DHEA ne concerne pas son statut en France. Désormais médicament et non complément alimentaire comme aux Etats-Unis, la DHEA peut être fournie aux officines sous forme de matière première que le pharmacien a l'obligation de tester et peut être prescrite par les médecins sous forme magistrale, sous leur responsabilité. Gélules ou préparations toutes faites sont interdites à l'importation, les poudres en vrac sont autorisées... Mais le Dr David Elia, fort du soutien expérimenté du Pr Baulieu, compte sur le statut de médicament pour parvenir à toutes les garanties souhaitables en matière de sécurité et d'efficacité. Les deux médecins prônent finalement une prudence aussi raisonnable que raisonnée, qui s'exprime de façon pédagogique dans une série de questions réponses en fin d'ouvrage.
Les Drs Thierry Hertoghe et Jules-Jacques Nabet témoignent pour leur part dans leur livre, « DHEA, la jeunesse sur ordonnance », d'un respect de bon ton à l'égard des études et des chiffres comme du contrôle médical de la consommation de DHEA. Mais leur enthousiasme de supplémenteurs en hormones les tire vers des interprétations franchement optimistes, qui tendraient à rapprocher la DHEA de la fontaine de Jouvence et de la panacée et à pointer les méfiants pour non-assistance à personnes en danger de vieillissement. Quant aux histoires individuelles révélant quelques-unes des merveilles effectuées par le produit, elles valent ce que valent les « cas », c'est-à-dire qu'elles ont un excellent effet médiatique, mais point d'effet de démonstration.
« DHEA, la jeunesse sur ordonnance ? », Dr David Elia, First Editions, 280 pages, 19,90 euros.
« DHEA, l'hormone du mieux-vivre », Dr Thierry Hertoghe, Dr Jules-Jacques Nabet, Presses du Châtelet, 206 pages, 14,95 euros.
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