EN TROIS ANS, le Dr Patrick Josset, anatomopathologiste et maître de conférences à la faculté Saint-Antoine, a entrepris de faire bouger le musée Dupuytren. Même si toutes les collections sont toujours en place dans leurs vitrines, immobiles depuis quarante ans, une animation soudaine a envahi le musée d’anatomie pathologique né du legs Dupuytren en 1835. Patrick Josset a débarrassé l’entrée de paillasses peu avenantes afin d’avoir une salle de réunion. « C’est un lieu, explique-t-il, où peuvent se rencontrer toutes les disciplines aujourd’hui “à la marge” de la médecine, telles que la paléopathologie, l’égyptologie, l’archéologie, la préhistoire, l’anthropologie physique, voire l’ethnologie. » Des disciplines qu’il a côtoyées au cours d’études médicales un peu atypiques, puisqu’elles l’ont amené à étudier le coréen et le chinois aux Langues O et l’égyptologie avec Jean-Claude Goyon, à Lyon. «C’est avec lui que nous avons pratiqué l’autopsie d’un Egyptien du musée Guimet de Lyon» qui fera l’objet d’un reportage télévisé et du livre « Un corps pour l’éternité ». Mais les momies le passionnent moins que les textes et l’ethnologie. « En tant qu’anatomopathologiste, je faisais déjà des autopsies toute la journée...», commente-t-il.
Souvenir de cette période égyptienne, le musée a établi une collaboration avec la Mafto, mission archéologique française de Thèbes-Ouest, ce qui lui a permis de faire venir au printemps dernier une exposition sur les momies de la vallée des Reines et d’organiser conjointement un colloque sur « le corps et la mort ».
Un fonds à valoriser.
Mais les expositions, si elles ont le mérite d’attirer des visiteurs, ne doivent pas masquer les problèmes des collections du musée. Rescapé d’un entreposage de plusieurs décennies (1937-1967) dans des caves voisines de la chaufferie par décision du Pr Gustave Roussy, le fonds, originellement installé dans l’ancien réfectoire – gothique – du couvent des Cordeliers, a souffert de disparitions et de dégâts multiples. Malgré quelques pièces maîtresses qui impressionnent le visiteur, comme le squelette et la statue en cire de Pipine, phocomèle qui s’exhibait dans les foires au milieu du XIXe siècle, ou la cire d’un naevus congénital géant, le musée souffre d’entassement. L’inventaire vient juste de démarrer. «Sur les milliers de pièces osseuses déposées entre 1752 et 1926, il n’est pasutile de tout présenter, non plus que les centaines de bocaux de foetus malformés, souligne le Dr Josset, qui a dégagé des réserves pour le musée ; en revanche, on peut imaginer une vitrine sur le développement de l’embryon normal et pathologique. Le musée possède des pièces historiques, témoignages de pathologies disparues. C’est un fonds irremplaçable.» Bien plus, c’est un fonds qui peut servir à la recherche, qu’il s’agisse de la collection Dupuytren ou de la fondation Dejerine (1849-1917), constituée de sa bibliothèque et de la série complète des plaques photographiques du système nerveux central qui servirent au neurologue pour son « Anatomie du système nerveux central ». « Récemment, se réjouit le Dr Josset, les neurologues de la Salpêtrière sont venus au musée pour rechercher le cas de syndrome thalamique décrit en 1906. Ils ont pu scanner la plaque et la restituer en3D.»
Il entre d’ailleurs dans les projets de Patrick Josset de disposer au sein du musée d’un petit laboratoire permettant d’étudier les pièces, de faire de l’histologie et de l’anatomie. Mais le projet central est celui d’un musée consacré à l’homme et à ses pathologies. Le musée Dupuytren peut trouver sa place aux côtés du musée de l’AP-HP, centré sur l’évolution de l’hôpital, du musée d’Histoire de la médecine, qui présente des collections d’instruments et d’appareils médicaux, des musées spécialisés comme le musée Pasteur ou celui du Val-de-Grâce. Son musée maintenant doté de réserves, le Dr Josset envisage d’accueillir des collections qui n’ont plus leur place dans les hôpitaux ( cf. la récente affaire des foetus de Saint-Vincent-de- Paul), ni dans les laboratoires. Par exemple, la collection d’embryologie du laboratoire d’embryologie du Cnrs à Nogent-sur-Marne, successivement dirigé par Etienne Wolff et Nicole Le Douarin. Et la collection d’anatomopathologie de l’hôpital Trousseau. Les idées et l’enthousiasme devront compenser le manque de moyens. Le musée Dupuytren, hébergé dans les locaux de l’UFR des Cordeliers et de l’UFR Broussais - Hôtel-Dieu, est en fait musée de la Ville de Paris. Il dispose de trois personnes à plein-temps et a obtenu pour la première fois cette année un budget de 2 000 euros. Mais il n’a pas encore de conservateur à plein-temps. Pour se consacrer entièrement au musée et à l’histoire de la médecine qu’il enseigne déjà à mi-temps, Patrice Josset attend d’être enfin déchargé de son mi-temps hospitalier.
Musée Dupuytren, entrée par le 15, rue de l’Ecole-de-Médecine. Ouvert du lundi au vendredi, de 14 h à 17 h. Renseignements : musee.dupuytren@yahoo.fr.
Le Dr Josset propose un cycle de conférences, qui débutera ce vendredi 22 septembre à 17 h 30 par « La véritable histoire de l’internat du XIIe au XVIIIe siècle à travers la salle de garde » (Les Cordeliers, amphithéâtre Bilski-Pasquier, 15, rue de l’Ecole-de-Médecine).
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