DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE TERRAIN génétique de l'hôte peut fortement influencer la réponse immunitaire au VIH et, par conséquent, l'évolution clinique.
Les cellules tueuses naturelles (NK ou Natural Killer) sont des composants clés de l'immunité innée qui contribuent directement à la réponse antivirale ; en effet, elles reconnaissent et détruisent les cellules infectées par un virus (ainsi que les cellules cancéreuses).
Leur activité est contrôlée (stimulée ou inhibée) par de nombreux récepteurs à leur surface.
Parmi ces récepteurs, la famille des récepteurs KIR (Killer Cell Immunoglobulin-like Receptor) se distingue par sa diversité extrême et son évolution rapide ; ces récepteurs ont pour ligands les molécules HLA de classe I.
Ces récepteurs KIR, comme les autres récepteurs présents sur les cellules NK, sont également exprimés sur les lymphocytes T cytotoxiques ; ils jouent donc un rôle à la fois dans l'immunité innée et l'immunité acquise.
Chaque gène KIR code pour un récepteur activateur ou un récepteur inhibiteur des cellules NK.
A l'exception du gène KIR3DL1, qui code non seulement un récepteur (KIR3DS1) qui active les cellules NK mais aussi plusieurs allotypes (KIR3DL1) qui inhibent les cellules NK, ces récepteurs ont pour ligands les molécules HLA-B Bw4 présentées sur les cellules cibles.
L'influence combinée de plusieurs gènes.
L'idée d'étudier l'influence combinée de plusieurs gènes sur le cours de l'infection par le VIH n'est pas neuve.
L'équipe de Mary Carrington, du laboratoire de diversité génomique du National Cancer Institute (Frederick, Etats-Unis), avait précédemment montré que la présence de l'allèle activateur KIR3DS1, associée à un sous-type de molécule HLA-B Bw4 (Bw4Ile80), confère une protection contre la progression de l'infection par le VIH.
Cela soulève l'hypothèse selon laquelle le récepteur KIR3DS1 se lierait aux molécules Bw4Ile80 sur les cellules infectées par le VIH1 et déclencherait la destruction des cibles infectées ; un modèle dans lequel l'activation des cellules NK confère une protection contre le VIH.
Plusieurs combinaisons alléliques distinctes.
Dans la présente étude, les chercheurs ont voulu savoir si les différents sous-types de récepteurs KIR3DL1, dont la fonction inhibitrice est très variable, peuvent affecter différemment l'évolution de l'infection par le VIH.
Martin, Carrington et coll. ont évalué les variations dans le gène KIR3DL1 et dans le gène HLA-B chez plus de 1 500 patients infectés par le VIH1 (provenant de multiples cohortes).
Ils ont découvert que plusieurs combinaisons alléliques distinctes de ces deux gènes influencent fortement la progression vers le sida et la charge virale (ARN VIH dans le sang).
Comme l'explique au « Quotidien » le Dr Mary Carrington, «nous décrivons des variants génétiques dans deux gènes très polymorphes qui affectent à la fois la vitesse de progression vers le sida et le contrôle de la charge virale dans le sang».
«Ces gènes encodent des protéines qui interagissent entre elles; l'un code un récepteur trouvé sur les cellules tueuses naturelles (cellules NK) et les lymphocytesT cytotoxiques, l'autre un ligand qui est exprimé sur les cellules infectées par le VIH. Certains variants au sein des gènes qui codent ces combinaisons récepteur-ligand sont associés à une protection contre le VIH. »
Des taux variables de protection.
«Ce qui est vraiment intéressant, c'est que de multiples combinaisons distinctes de variants dans ces deux gènes montrent des taux variables de protection», souligne-t-elle.
«Nous pensons que cet ensemble complexe d'interactions aboutit probablement à la destruction des cellules cibles infectées par le VIH et donc au contrôle de la réplication virale. »
«Il est particulièrement intéressant d'un point de vue génétique que deux gènes très polymorphes agissent de façon synergique à travers des combinaisons différentes de variants génétiques», indique-t-elle. «Cela met en lumière la complexité de la génétique de l'hôte dans la pathogenèse de la maladie humaine.»
L'étude atteste donc du rôle crucial que jouent les cellules NK dans l'histoire naturelle de l'infection par le VIH.
«Nous devons commencer à mettre en valeur le développement des thérapies qui pourraient altérer la réponse immune innée au virus», estime le Dr Carrington. «Cela pourrait être utilisé en traitement après l'infection. »
« Nature Genetics », 13 mai 2007, Martin et coll., DOI : 10.1038/ng2035.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature