«AU COURS des deux dernières années, nous avons identifié des variants spécifiques qui sous-tendent une bonne partie du risque héréditaire des formes communes du cancer du sein», déclare, dans un communiqué, le généticien Kari Stefanson, directeur de la compagnie islandaise deCODE Genetics (Reykjavik).
«Nous avons atteint le point de bascule longtemps attendu dans ce progrès: la capacité d'identifier, à travers un simple test génétique, une vaste proportion de femmes à risque significatif de cancer du sein. Un tel test se justifie d'autant plus pour les cancers à récepteurs aux estrogènes positifs que des médicaments comme le tamoxifène se sont montrés efficaces pour les prévenir, les traiter, et que d'autres médicaments actuellement en développement pourraient également offrir sans risque une thérapie prophylactique au long cours.»
Environ 75 % des cancers du sein chez les femmes d'origine européenne possèdent des récepteurs aux estrogènes (ER+) ainsi que 50 % de ceux des femmes d'origine africaine.
L'association de variants de faible pénétrance.
On suppose qu'une grande partie de la composante génétique du risque du cancer du sein résulte de l'association de variants de faible pénétrance qui, individuellement, pourraient être assez fréquents dans la population.
De précédentes études génomiques d'association avaient suggéré la présence d'une association entre un segment étendu du chromosome 5p12-11 et la prédisposition au cancer du sein.
L'équipe de deCODE en collaboration avec des chercheurs internationaux (néerlandais, américains, espagnols, suédois et nigérians) a conduit une étude génomique d'association chez plus de 6 000 femmes atteintes de cancer du sein et plus de 33 000 témoins. Ils ont notamment évalué la présence de 10 NP (polymorphisme d'un seul nucléotide) dans la région 5p12. Cette étude a permis d'identifier 2 SNP (rs4415084 et rs10941679) qui confèrent un risque de cancer du sein ER+ (OR = 1,27).
Le gène le plus proche, MRPS30, code pour une protéine qui a été impliquée dans l'apoptose et les tumeurs ER+.
Le variant à risque le plus important (rs4415084) est porté par plus de 60 % de la population générale (au moins une copie) ; les femmes qui ont hérité deux copies de ce variant ont un risque accru d'environ 50 % de cancer du sein ER+, par rapport aux femmes non porteuses.
En tandem avec le premier.
Le second variant est localisé au voisinage et survient seulement en tandem avec le premier, ajoutant un léger risque de cancer.
Bien que ces variants ne confèrent qu'un risque modeste, ils sont si fréquents dans la population qu'ils pourraient être impliqués dans 11 % des cancers du sein.
L'équipe a constaté également que le locus FGFR2 sur le chromosome 10q26, précédemment associé au cancer du sein, s'associe spécifiquement au cancer du sein ER+ (OR = 1,29).
Avec la découverte des variants à risque sur le chromosome 5, les facteurs génétiques sous-tendant une grande proportion du risque hérité de cancer du sein ER+ ont été élucidés.
Les variants communs précédemment découverts par deCODE sur les chromosomes 2q35 et 16q12 sont impliqués dans 25 % des cancers du sein ER+ selon les estimations des chercheurs. Le quatrième groupe de variants sur le chromosome 10q26 expliquerait environ 16 % des cancers du sein ER+.
La société deCODE projette de lancer dans les prochains mois un test génétique fondé sur ces variants afin d'identifier les femmes à risque de cancer du sein qui pourraient bénéficier d'un dépistage par mammographie et IRM. L'American Cancer Society recommande que les femmes qui sont de 20 à 50 % au-dessus du risque moyen de cancer du sein envisagent d'effectuer chaque année une mammographie et une IRM.
«Le travail pionnier de deCODE dans ce domaine a également démontré que les cancers du sein ER+ et ER– apparaissent avoir des bases génétiques distinctes, un phénomène qui ouvre la voie à une meilleure compréhension de la nature, du traitement et de la prévention du cancer du sein en général», note Kari Stefanson. «L'une des prochaines étapes sera d'analyser ces résultats sur de vastes cohortes de femmes d'origine non européenne», conclut-il.
Stacey et coll. « Nature Genetics », 28 avril 2008, DOI : 10.1038/ng.131.
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