RÉALISÉES par l'équipe du Pr Jean-Pierre Changeux, des études éclairent mieux les mécanismes de la dépendance à la nicotine. Elles pourraient ouvrir des voies de recherche sur des produits nicotine-like, agissant sur deux sous-unités du récepteur à la nicotine, qui pourraient être testés dans des pathologies humaines, comme l'autisme, la maladie d'Alzheimer ou la schizophrénie.
La nicotine exerce son action addictive par un effet sur le système des voies cérébrales de la récompense. Elle induit une régulation positive des récepteurs nicotiniques nAChRs (Nicotinic Acetylcholine Receptors) et, en particulier, du sous-type bêta 2 de ce récepteur.
Les récepteurs nAChRs ont un rôle clé dans des processus adaptatifs de la cellule. Leur activation induit l'addiction, avec la nécessité d'une stimulation permanente : le cercle vicieux de la dépendance s'installe. Ces récepteurs s'expriment sous la forme de différentes sous-unités.
L'équipe de recherche « récepteurs et cognition » (unité de neurobiologie intégrative des systèmes cholinergiques de l'Institut Pasteur, dirigée par le Pr Jean-Pierre Changeux) a recherché l'implication des sous-unités en travaillant sur des souris mutantes pour certains gènes, comparées à des souris sauvages. Elles ont été soumises à différents schémas de contact avec la nicotine et à des manipulations de blocage pharmacologique des récepteurs.
Par le biais de minipompes implantées, les souris ont été maintenues à un taux d'exposition à la nicotine correspondant à ce qui induit un syndrome de sevrage chez les souris sauvages. Les souris à qui on injecte de la nicotine, après apprentissage, s'autoadministrent ensuite le produit.
Deux sous-unités du récepteur nAChRs.
Les comparaisons montrent que les souris de type sauvage, en contact chronique avec la nicotine, présentent un comportement analogue aux souris mutantes privées de la sous-unité bêta 2 du récepteur nAChRs. Cela rend compte du fait que la première conséquence de l'intoxication chronique à la nicotine est une régulation positive de la sous-unité bêta 2, qui se désensibilise à l'effet du produit. La seconde conséquence est l'implication d'une autre sous-unité, alpha 7, dans le sens d'un mécanisme compensatoire. « Les résultats chez la souris indiquent que l'effet à long terme de la nicotine affecte l'équilibre entre deux sous-unités du récepteur nAChRs. »
Ce qui peut suggérer des voies de traitement de la dépendance : en produisant une action pharmacologique chronique sur les récepteurs bêta 2 ou alpha 7 nAChRs (comme la nicotine, mais avec des produits différents), on peut tenter d'éviter le syndrome du manque pour obtenir un sevrage de la nicotine.
En outre, cela pourrait permettre de mettre au point des agents nicotine-like qui pourraient être utiles dans certaines pathologies, comme la maladie d'Alzheimer ou l'autisme, au cours desquelles des effets sur ces récepteurs nicotiniques pourraient être bénéfiques, expliquent les auteurs.
« Proceedings of the National Academy of Sciences » édition avancée en ligne.
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