En révélant l'appel du pied de Jean-François Mattei à Francis Mer en faveur du groupe de cliniques privées Générale de Santé, le journal « le Monde » a jeté le gouvernement dans l'embarras. Car la manoeuvre, inédite, a provoqué la surprise.
D'après l'édition du 24 avril 2003 du quotidien du soir, « le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, a récemment pris la plume pour demander à son collègue de Bercy s'il pouvait mobiliser des capitaux, éventuellement publics, pour voler au secours d'une entreprise privée (Générale de Santé), de sorte qu'elle bénéficie d'un actionnariat stable ».
Près de 40 % du capital du groupe Générale de Santé va être revendu aux alentours du 30 juin, date à laquelle la holding financière Luxco, actionnaire majoritaire du groupe, a prévu de se retirer. Le ministre de la Santé craint sans doute une reprise des parts de Luxco par un investisseur étranger peu habitué au secteur sanitaire, ce qui pourrait conduire au démantèlement du premier groupe de cliniques privées français. Un groupe qui, depuis son introduction en Bourse en juin 2001, engrange bénéfices sur bénéfices.
Avec 168 établissements dont 149 en France, il s'agit du groupe d'hospitalisation privée le plus important par sa taille en Europe, et le leader en France avec une part de marché de 10 %. Son objectif : atteindre à moyen terme 20 % du marché de l'hospitalisation privée.
Pourquoi le ministre de la Santé s'est-il donc fendu d'une lettre au ministre des Finances ? Dans son courrier, Jean-François Mattei évoque la « piste de la création d'un groupe d'actionnaires stables », et, précisant sa pensée, ajoute que « l'attention des investisseurs institutionnels français pourrait être attirée sur cette opération capitalistique ». Une allusion, peut-être, à la Caisse des dépôts.
Bien embêté par la parution de cette lettre dans la presse, le cabinet de Jean-François Mattei ne souhaite se livrer à aucun commentaire. Même embarras à Bercy, où l'on refuse de dévoiler la suite que Francis Mer compte donner à cette affaire. Un de ses conseillers se contentera du propos suivant : « Je ne suis pas sûr que ce soit notre rôle d'investir des capitaux publics dans une société privée dans un marché concurrentiel comme celui d'aujourd'hui, cette opération me semble compliquée ».
Réaction tout aussi laconique du côté du principal intéressé, la Générale de Santé : « Peu importe la nature du repreneur, public ou privé. On souhaite une offre correcte, valorisante, qui représente une dynamique pour les employés ». On n'en saura pas plus sur les tractations en cours, à part le fait qu'aucune décision n'est arrêtée et que tous les schémas restent envisageables.
La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), de son côté, a réagi favorablement à la démarche de Jean-François Mattei, en dépit de sa surprise : « Un ministre de la Santé qui intervient auprès du ministre de l'Economie pour assurer un tour de table pour une société privée, on n'avait jamais vu ça ! », s'étonne encore Dominique Dorel. La déléguée générale adjointe de la FHP se soucie peu du montage financier, « pourvu que la stabilité de Générale de Santé soit assurée ». Elle redoute surtout qu'aucun repreneur ne se présente, ce qui conduirait assurément, selon elle, au démantèlement du groupe. « Car, dans ce cas, on peut imaginer que, pour sauver l'offre de soins, certaines ARH (agence régionale de l'hospitalisation, NDLR) modifient les statuts des cliniques du groupe pour en faire des établissements pseudo-publics ».
On comprend que la FHP refuse cette perspective. Mais à en croire certaines sources, elle n'a pas de souci à se faire, les 40 % de parts de Générale de Santé ne resteront pas longtemps sans repreneur. Huit acheteurs potentiels privés et publics seraient sur le coup. Comment le gâteau sera-t-il réparti ? Réponse au mois de juin.
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