Arts
Inscrit dans le paysage, sublimant les accidents naturels, ponctuant le cheminement du promeneur qui se confond avec le pèlerin, l'art religieux adopte toutes les formes possibles (architecture, objets du culte, peinture) et reflète la profonde religiosité d'un peuple qui vit en étroite symbiose avec son environnement.
L'exposition a le mérite de replacer l'art dans son contexte historique et folklorique. Comme sa voisine l'Italie (dont elle a reflété souvent les courants d'art), la Corse a su sauvegarder ce patrimoine religieux, la tradition des processions y reste vivace, l'art y prend sa dimension humaine, y préserve sa part sacrée.
L'idée d'en faire un inventaire, doublé d'une publication scientifique de haute qualité, et d'en exposer les pièces principales (200 pièces originales provenant principalement des églises de l'île mais aussi de célèbres musées français et étrangers) relève d'un souci qui ne se résume pas à la délectation esthétique mais tente de cerner un problème historique. Il est significatif que l'exposition soit présentée dans un musée d'anthropologie. Là où l'art parle, le peuple s'exprime.
Dans la grille fournie par l'Histoire, ce sont trois grandes séquences qui s'imposent. La Corse au cur du premier christianisme méditerranéen ; la Corse pontificale avec l'influence de Pise et de Gênes ; la Corse intégrée à la France.
A chaque tournant de son histoire, la Corse établit des rapports d'influence, avec un des points forts de la civilisation méditerranéenne. L'Afrique aux origines, quand les évêques africains sont exilés par les Vandales et fondent les premiers postes avancés de la pensée chrétienne ; l'Italie papale lors de l'apothéose du pouvoir du Saint Père et sa formidable production artistique liée à une volonté de puissance, jouant le rôle de propagande de la pensée religieuse ; l'intégration à la France s'appuie sur le frisson révolutionnaire, source de bouleversements profonds tant dans l'attitude des fidèles que la constitution du patrimoine religieux. Il en résultera un nouveau courant de ferveur engendrant sa propre esthétique. Le sentimentalisme religieux y domine.
Art religieux et expression populaire
Parmi les grands moments de cette histoire, la période baroque est particulièrement remarquable. L'expression artistique, pour être le fruit d'une conjugaison d'apports extérieurs venus de tous les horizons, n'en est pas moins en parfaite identité avec le public. L'art religieux n'est jamais uniforme et si sa vocation est internationale, sa formulation porte vraiment la marque du pays où elle exerce ses pouvoirs et assume la mission qu'elle s'est donnée.
Une impressionnante production artistique se développe autour du XVIIe siècle. Le décor des plus modestes églises et chapelles disséminées dans un paysage fortement accidenté et « pittoresque » traduit toute l'éloquence du discours religieux où domine la majesté de la Vierge célébrée par un peintre natif de l'île qui a parfaitement assimilé le langage baroque (Castiglioni).
Mais ce ne sont pas moins d'une douzaine de peintres qui exercent leur talent sur l'île. Outre Castiglioni, Marc-Antoine de Santis, Giovan Andrea Molinari, Michele Scarlazza, Paolo Vincenzo Torre, Giovan Battista Ruisecco, Manfredo Natta et Giovanni De Angel, Pompeo Bagnoli, Placido Onetto, Giovan Stefano Semino et Domenco Cappelli. Le XVIIIe siècle prolonge cette intense activité. Si le baroque trouve en Corse un écho si favorable, c'est qu'il est au diapason d'une piété volontiers expansive et ostentatoire. Elle n'engendre pas un effet de luxe tapageur (comme en Autriche, autre patrie du baroque), mais une expression volubile et d'un faste naïf.
Ce caractère particulier trouve son développement au XIX° siècle. L'art religieux devient celui du quotidien, au sein d'une imagerie d'un sentimentalisme appuyé. Dans le même temps, l'art de l'ex-voto se développe, comme l'expression d'une prise en main de l'art religieux par le peuple créant sa propre esthétique. Ainsi la Corse est-elle un véritable laboratoire de l'art religieux. D'abord institutionnel il devient progressivement une expression populaire.
Corsica Christiana,Deux mille ans de christianisme en Corse. Musée de la Corse, La Citadelle, à Corte, jusqu'au 31 décembre. Tous les jours de 10 h à 18 h, fermé le lundi (en novembre et décembre fermé le dimanche et le lundi). Entrée 35 F. Publication d'un imposant catalogue scientifique.
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