LA DOULOUREUSE exigée par les trois caisses locales d'assurance-maladie est arrivée il y a huit jours par voie d'huissier chez un couple de médecins ophtalmologistes à Cognac (Charente). Aujourd'hui, au terme du délai fixé par l'huissier, le Dr Marc Godart et sa femme vont se résoudre à payer la somme due, soit deux fois 681 euros, afin d'éviter la « saisie-vente de (leurs) biens meubles » qui leur pend au nez.
Comment les deux époux et associés en sont-ils arrivés là ? Si, depuis un an environ, Marc et Marie-Pascale Godart télétransmettent des feuilles de soins électroniques (FSE), comme 86 % des spécialistes de leur département, auparavant, ils ont boudé la carte Vitale, malgré la « série de courriers » de relance qui leur a été adressée par les caisses. « Nous étions informatisés, mais on ne voulait pas faire de télétransmission, de peur d'attraper un virus par le simple fait de se connecter à Internet, et de perdre ainsi notre poste de travail », explique le Dr Godart. De fil en aiguille, les deux associés installés en secteur I finissent par être sanctionnés en avril 2004 d'une suspension de six mois de la prise en charge de leurs cotisations sociales par les caisses.
« D'autres confrères ne télétransmettent pas de FSE, mais ne sont pas sanctionnés », s'étonne Marc Godart. Avec le recul, cet ophtalmologiste reconnaît cependant que, mal conseillé, il a été conduit à rédiger « des lettres maladroites » à l'assurance-maladie invoquant la « non-fiabilité » de la télétransmission. Elles ont pu « donner l'impression qu'(il) louvoyait et était de mauvaise foi ».
Procès perdu.
Néanmoins, les deux ophtalmologistes restent convaincus que l'adhésion au règlement conventionnel minimal (RCM) de 1998 ne les obligeait pas de facto à se soumettre à l'arrêté du 12 août 1999 instituant l'obligation progressive de télétransmission. Ils ont donc tenté de faire annuler la sanction financière des caisses par le tribunal administratif de Poitiers. Or celui-ci les a déboutés en mars 2005 et condamnés à payer chacun 600 euros au titre des frais de procédure. « Je ne me suis pas occupé du paiement. Je pensais que ce jugement était suspensif puisque nous avons fait appel depuis », confesse Marc Godart. Après avoir découvert qu'un jugement de tribunal administratif n'est jamais suspensif, l'ophtalmologiste « va payer » tout en espérant que la cour d'appel de Bordeaux entendra les arguments de son avocat quant à « l'erreur de droit » commise par les caisses (pour cause d' « inopposabilité de l'obligation de télétransmission » et de vide juridique en matière de sanction), à la « disproportion entre la sanction prononcée et le manquement reproché » et à la « violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ».
« La position de la caisse est tout à fait justifiée et les médecins ont le droit de contester ce fondement juridique », commente Jacqueline Lozier à la Caisse primaire d'assurance-maladie (Cpam) d'Angoulême. Quant aux frais de justice, « ils sont dus en tout état de cause car les médecins sont des citoyens comme tout le monde », ajoute la responsable du service contentieux de la caisse. En ce qui concerne la forme, Jacqueline Lozier affirme que « il est hors de question (pour la Cpam) d'envoyer un huissier en première intention chez (ses) débiteurs ». Selon elle, la caisse n'a recours à la procédure de « recouvrement forcé » qu'après avoir essuyé « un refus catégorique ou un silence » dans le cadre d'une « réclamation à l'amiable, en général d'avocat à avocat ».
Quoi qu'il en soit, à la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), dont le service juridique a assisté les Drs Godart, on compte bien mettre un point final à ce genre de litige. Le président de la Cmsf trouve « scandaleux » l'envoi d'huissiers par les caisses chez quelques médecins libéraux. Compte tenu de l'entrée en vigueur des parcours de soins coordonnés au 1er juillet et de l'engagement conventionnel des médecins quant au « respect des nouveaux tarifs », le Dr Michel Chassang réclame une « paix des braves ». « Il est toujours bon de remettre les compteurs à zéro lors d'un nouveau départ », plaide-t-il. C'est pourquoi la Csmf a ajouté la question de la levée de toutes les sanctions des caisses à la longue liste de dossiers à l'ordre du jour de la séance de négociation conventionnelle qui a commencé hier soir.
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