Dans la banlieue bordelaise, une maison de santé à l’esprit collaboratif

Deux médecins généralistes aquitains mettent au pot commun et partagent leurs honoraires

Publié le 12/12/2014
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Crédit photo : KRIBICH

Trois médecins généralistes libéraux, deux orthophonistes, deux sages-femmes, quatre infirmiers, un ostéopathe, deux psychologues et une secrétaire qui travaillent ensemble dans une structure de 300 m2 dédiée à la santé... Ce début d’histoire semble désigner une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) des plus classiques, à un détail près : dans celle de Saint-Caprais-de-Bordeaux (Gironde), les médecins ne sont pas payés directement à l’acte. Ils mettent au pot les recettes totales (honoraires) et se partagent les revenus, sous la forme d’un salaire égalitaire.

Compte commun

Le fonctionnement de la maison de santé de cette petite ville située en banlieue de la capitale d’Aquitaine est inédit. Fondée en 2006 par les Drs Julie Mackelbert et Mourad Elias, deux généralistes belges de 40 ans, cette structure libérale fait partie (depuis 2013) des 260 maisons de santé constituées en SISA (société interprofessionnelle de soins ambulatoires) dont l’exercice coordonné est financé par les expérimentations de nouveaux modes de rémunération (ENMR).

Réunis en société civile immobilière, les deux médecins accompagnés de deux infirmiers et d’une orthophoniste sont propriétaires des murs, qu’ils louent aux autres professionnels inclus dans la SISA, ainsi qu’à l’ostéopathe et aux psychologues, qui n’en font pas partie.

Tous les mois, les deux généralistes (et eux seuls) mettent sur un compte commun leurs honoraires (visites, consultations, forfaits), avec lesquels ils payent les charges de fonctionnement de la structure, dont le salaire de la secrétaire. Ils se versent ensuite un revenu de 3 500 euros net. Les charges sociales et fiscales sont payées individuellement et les activités professionnelles extérieures (comme une permanence en crèche, une indemnité d’enseignement) restent dans la poche de chacun.

Égalité salariale

Pourquoi ce procédé ? « Clairement, pour se détacher du paiement à l’acte, artificiel et injuste, explique le Dr Mackelbert, qui, par sa formation et sa nationalité, était une habituée du paiement forfaitaire. Nous sommes payés à la mission et nous faisons un travail de même valeur, que la consultation dure 10 ou 40 minutes. Dans mon esprit, celui qui voit dix patients ne doit pas forcément gagner plus que celui qui en voit cinq dans le même temps. »

Égalité de rémunération sous-entend une confiance réciproque totale entre les médecins et une égalité de temps de travail, en l’occurrence 30 heures de consultations et visites, deux heures de temps administratif hebdomadaire pour chacun et trois heures de réunion pluriprofessionnelle (sur la coordination autour des patients difficiles et les décisions inhérentes au fonctionnement de la structure).

Le Dr Stéphane Fraize, troisième généraliste quarantenaire, qui lui est Français, vient de prendre ses quartiers dans ce « petit kibboutz médical » dont il apprécie l’esprit communautaire. « Avec le partage d’honoraires, on pousse jusqu’au bout la logique de la maison de santé pluridisciplinaire », résume-t-il.

Les trois médecins cherchent aujourd’hui deux nouveaux confrères pour les épauler. Seule condition selon le Dr Fraize : accepter que le niveau de rémunération ne soit pas l’alpha et l’oméga de la pratique.

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du Médecin: 9373