La cour d'appel de Rennes, le 19 janvier 2000, avait exigé d'un gynécologue brestois le versement de 650 000 F (99 092 euros) à un petit garçon trisomique qu'il avait laissé venir au monde, le 7 janvier 1995, sans avoir informé la mère des résultats d'un test de dépistage indiquant clairement le risque congénital.
Pour la justice, le comportement du praticien pourrait être à l'origine d'une « perte de chance »; par ces termes, il faut comprendre que la femme avertie aurait pu avorter. Mais le montant de l'indemnisation accordée ne correspond qu'à « 50 % du préjudice subi par l'enfant », ce que n'admet pas la mère, qui demande une « réparation intégrale », tandis que le médecin rejette sa mise en cause.
A la demande des deux parties, l'affaire a été examinée devant la Cour de cassation, en assemblée plénière.
Une nouvelle fois, reprenant ses arguments vainement développés en novembre 2000, l'avocat général a écarté tout dédommagement. « Puisque l'avantage pour lui (l'enfant) aurait été d'être avorté, sa vie diminuée ne peut être comparée qu'à l'inexistence qui, par définition, n'est pas évaluable », a plaidé Jerry Sainte-Rose. « Pourquoi ne pas indemniser tous ceux qui sont laids? », demande le représentant du ministère public, sachant que les parents ont saisi la justice pour « préjudice esthétique ». « Un enfant à naître n'est rien et peut être tué comme on veut », dénonce-t-il, en déplorant par là-même l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin dernier selon lequel un fœtus ne peut être déclaré victime d'une infraction routière. Et d'ajouter : « Dans nos sociétés humaines où l'emportent les pulsions mortifères et l'utilitarisme, le jour viendra où ce sont les enfants qui élimineront à leur tour leurs parents pour cause de décrépitude, et dans les conditions fixées par la loi. »
Hors prétoire, Jean Frontenas, représentant du Collectif contre l'handiphobie, aura ces quelques mots : « On est en plein eugénisme. » Christine Boutin, députée (app. UDF), candidate à l'Elysée, présente à l'audience, souhaite pour sa part que la campagne présidentielle « clarifie le débat » dans le sens du respect de la vie.
Une deuxième affaire, semblable à la première, a été examinée et donné lieu aux mêmes avertissements de l'avocat général. La mère de Yann, petit mongolien de 4 ans, a obtenu 30 489 euros devant la cour d'appel de Riom, alors qu'elle en veut plus du double (76 224 euros) au titre de son « préjudice moral ».
Mercredi, la Cour aura donc la possibilité d'introduire une brèche dans la jurisprudence Perruche, bien que cela semble peu probable. Le 17 novembre 2000, les magistrats de la plus haute juridiction française ont admis le principe d'indemniser un enfant du préjudice d'être né handicapé, lorsqu'il y a « faute médicale ».
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