CRÉÉ EN 1993 par « le Quotidien du Médecin », le prix Epidaure a pour objectif d'encourager et de soutenir les travaux de recherche portant sur les liens entre santé et environnement. Il est parrainé par la Fondation recherche médicale et soutenu par Veolia Environnement. Le prix Epidaure est décerné par un jury indépendant, constitué de spécialistes de la médecine et de l'écologie. Il récompense plusieurs types de travaux : une recherche fondamentale, épidémiologique ou clinique ; une étude ou un projet d'étude menés par un médecin praticien ; le travail de thèse d'un jeune chercheur (postdoctorant) pour qu'il puisse poursuivre ses recherches ; une action de communication mettant en avant les liens entre l'écologie et la santé et une technologie industrielle en faveur de la protection de la santé vis-à-vis d'un problème d'environnement. Pour 2006, deux prix seulement ont été attribués, dans les volets « Recherche en médecine praticienne » et « Jeune chercheur ».
AVC et pollution.
Le prix Epidaure en médecine praticienne est allé au Dr Jean-Bernard Henrotin (registre dijonnais des AVC, faculté de médecine de Dijon, mastère en santé publique environnement) pour son travail intitulé : « Relation à court terme entre accidents vasculaires cérébraux et pollution atmosphérique à l'ozone ». D'un montant de 8 000 euros, le prix Epidaure de la recherche en médecine praticienne est doté par Veolia Environnement, représenté par son directeur santé, le Dr Bruno de Buzonnière, qui a félicité le lauréat de la qualité de son travail.
Le sujet d'étude choisi par le Dr J.-B. Henrotin est original et rarement abordé. Son objectif : rechercher l'existence d'une relation (à court terme) entre le niveau de pollution atmosphérique (notamment par l'ozone) et la survenue des AVC. Pour cela, le Dr Henrotin s'est servi des données du registre des AVC de la ville de Dijon, colligés sur une période de dix ans. Ce registre a l'avantage de tenir compte de l'ensemble des AVC déclarés et non pas seulement des hospitalisations ou des décès. Les données sur la pollution atmosphérique étaient fournies par l'association agréée de surveillance de la qualité de l'air de Bourgogne Centre-Nord (Atmosf'Air BCN). Les paramètres météorologiques journaliers étaient fournis par Météo France. Les effets des polluants sur la survenue d'AVC ont été recherchés pour une exposition à très court terme (le jour même) et pour une exposition intervenue d'un à trois jours avant.
Le travail présenté par le Dr Henrotin a montré l'existence d'un lien entre la survenue d'un AVC ischémique chez les hommes de plus de 40 ans et le niveau d'exposition à l'ozone le jour précédant l'accident. Un effet-dose a été mis en évidence. Le risque d'AVC était corrélé à la dose d'ozone atmosphérique. Enfin, l'association pollution-AVC était plus forte chez les patients présentant d'autres facteurs de risque cardio-vasculaire tels qu'une dyslipidémie ou un tabagisme. Pour les autres polluants étudiés (Nox, SO2, PM10, CO), les associations n'étaient pas significatives.
Le Dr J.-B. Henrotin a eu, en outre, le mérite de proposer des hypothèses physiopathologiques pour expliquer ses résultats. Après une exposition importante à l'ozone, une réponse inflammatoire systémique pourrait induire des ruptures de plaques d'athérome instables ou interagir avec les phénomènes d'athérothrombose.
Enfin, ce travail a montré que l'implication et la mobilisation de tout un réseau de médecins praticiens, du service de neurologie du CHU de Dijon et du service Climat et santé de la ville étaient possibles pour faire avancer la recherche.
Legionella aéroportée et fièvre de Pontiac.
Quant au prix Epidaure Jeune Chercheur, il récompense le Dr Magali Deloge-Abarkan (université Henri-Poincaré - Nancy-I), pour son travail : Caractérisation de l'exposition à Legionella aéroportée : aspects métrologiques et approche épidémiologique du risque de fièvre de Pontiac. Cette jeune postdoctorante a reçu un chèque de 8 000 euros des mains du Dr Gérard Kouchner, qui, en tant que président de CMPMedica France (groupe dont fait partie « le Quotidien »), a souhaité, il y a trois ans, ajouter aux catégories déjà récompensées par le prix Epidaure, un volet Jeune Chercheur, pour permettre à de jeunes thésés de poursuivre les recherches amorcées dans leur travail de doctorat.
La thèse du Dr Deloge-Abarkan portait donc sur l'exposition à Legionella par des aérosols d'eaux chaudes dans les maisons de retraite, un sujet assez peu étudié. En effet, si la gestion du risque lié à Legionella est inscrite au rang des priorités dans la loi de santé publique de 2004, l'aérosol comme voie de contamination n'est pas pris en considération dans la gestion de ce risque bactérien.
Le travail du Dr Deloge-Abarkan vise à quantifier le risque d'infection dans une population sensible (les personnes âgées de maisons de retraite de la région lorraine). Il s'intéresse à la forme bénigne de l'infection à Legionella, la fièvre de Pontiac. Il met en oeuvre des outils innovants de caractérisation des expositions, à la fois en termes de collecte d'aérosols et de mesure des légionelles aérosolisées. Il a permis de comparer la contamination des aérosols et celle des eaux chaudes.
L'exposition de 828 personnes âgées a été prise en compte à la fois à partir de données écologiques (concentration de Legionella dans l'eau et dans l'air) et des caractéristiques individuelles (fréquence de la prise de douche, âge, sexe, tabagisme, antécédents médicaux…), recueillies quotidiennement durant quatre mois dans chacune des 34 maisons de retraite étudiées.
L'analyse de l'occurrence de Legionella dans les eaux chaudes de douches a montré qu'un cinquième des maisons de retraite présentaient des Legionella cultivables et plus de la moitié des Legionella hybridées (méthode de Fish) ; 29 % des bioaérosols collectés contenaient Legionella aéroportée (Fish) et pas de Legionella cultivable. Le risque de retrouver Legionella dans l'aérosol était 6,8 fois plus élevé quand la concentration de cette bactérie dans l'eau chaude était supérieure à 105.
L'étude a permis d'établir des seuils critiques d'exposition et de cerner les facteurs de susceptibilité (troubles cognitifs, corticothérapie). Le seuil fixé par la réglementation française, 103 Legionella-UFC (eau), semble protecteur pour la population générale face au risque épidémique de fièvre de Pontiac et constitue même une marge de sécurité face à d'éventuelles maladies du légionnaire.
Le Dr Deloge-Abarkan souhaite poursuivre ses recherches sur l'exposition aux aérosols de Legionella et les risques professionnels encourus par le personnel soignant des maisons de retraite.
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