EN MEME TEMPS que les statines poursuivent leur développement en cardiologie, elles commencent à intéresser les rhumatologues. Au premier rang dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) qui, qu'elle soit ancienne ou récente, s'accompagne d'une augmentation de la mortalité principalement d'origine cardio-vasculaire. Cette surmortalité cardio-vasculaire ne dépend pas des facteurs de risque habituels que sont le tabagisme et l'HTA. L'analyse des mécanismes du développement de l'athérome dans la PR permet d'impliquer le syndrome inflammatoire via, notamment, la résistance à l'insuline et un effet direct des cytokines sur l'endothélium vasculaire, ainsi qu'une dyslipidémie.
D'où l'idée d'utiliser les statines afin d'améliorer le bilan lipidique des patients atteints de PR, mais aussi d'agir, par un effet pléiotrope, sur plusieurs autres facteurs comme la dysfonction endothéliale.
Des travaux ont montré que les statines ont un rôle anti-inflammatoire et immunomodulateur. Et, d'après une étude récente, dans laquelle l'atorvastatine à la dose de 40 mg a été comparée à un placebo chez 116 patients, leur effet bénéfique dans la PR passe par une diminution de la synovite et de l'inflammation (1). Il se traduit par une différence significative, à six mois, du score d'activité de la maladie et des critères de réponse de l'Eular (European League Against Rheumatism).
La dyslipidémie dans la PR est souvent méconnue.
Une étude française, portant sur une série de 145 patients, confirme l'insuffisance de la prise en charge de la dyslipidémie dans la PR en pratique quotidienne (2). En effet, si 23 étaient déjà traités par un hypocholestérolémiant, l'analyse des données montre que 10 % des 122 autres auraient dû bénéficier d'un tel traitement, selon les recommandations françaises, et que ce pourcentage aurait dû atteindre 20 %, si l'on tient compte du fait que la PR est un facteur de risque cardio-vasculaire.
Dans l'ostéoporose, l'intérêt potentiel des statines est suggéré par des études cas-témoins qui ont mis en évidence une réduction du risque fracturaire très importante. Selon les études, les chiffres atteignent 45 % pour l'ensemble des fractures, 50 % pour les fractures du col fémoral et même 88 % pour les fractures de hanche. En revanche, d'autres études de ce type ne retrouvent pas de bénéfice des statines dans l'ostéoporose.
Parmi les cinq études prospectives publiées sur ce thème, une seule ne montre pas d'effet positif, alors que les autres ont révélé une tendance à la diminution du nombre de fractures sous statine, mais non significative. Cette tendance n'est pas observée avec les autres hypolipémiants. Enfin, une métaanalyse de ces études prospectives et de quatre études cas-témoins conclut à une diminution du risque tant pour les fractures du col fémoral que les fractures non vertébrales.
Les résultats contradictoires des études pourraient s'expliquer par le fait que, après le premier passage hépatique, les statines n'atteindraient pas leur cible osseuse à dose suffisante. Quoi qu'il en soit, la prévention des fractures ostéoporotiques par les statines reste pour l'instant du domaine de la théorie. Seuls des essais prospectifs randomisés permettront de préciser leur intérêt dans cette indication.
D'après un entretien avec le Dr Martin Soubrier, service de rhumatologie B, hôpital Cochin, Paris, et hôpital Montpied, Clermont-Ferrand.
(1) McCarey D et al. Trial of atorvastatin in rheumatoid arthritis (Tara) : double blind, randomized placebo-controlled trial. « The Lancet » 2004 ; 363 : 2015-2021.
(2) Soubrier M, Zerkak D, Dougados M. Indications for LDL-cholesterol lowering in rheumatoid arthritis (RA): an underestimated prevalence. « Arthritis Rheum » 2004 ; 50 (suppl.) : S379.
En pratique
La prise en charge de la dyslipidémie relève davantage du généraliste que du rhumatologue, souligne le Dr Soubrier. Chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et/ou d'ostéoporose, la vérification du bilan lipidique doit être systématique, afin de pouvoir instituer un traitement hypolipémiant « par une statine plutôt que par un fibrate », selon les recommandations en vigueur.
Cette prise en charge thérapeutique est d'autant plus importante que la PR est un facteur de risque cardio-vasculaire et que les malades peuvent en présenter d'autres comme une élévation de la pression artérielle en cas de traitement par Ains. La corticothérapie impose également une surveillance de leur état osseux.
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