ENVIRON 5 % se compliquent de prééclampsie (toxémie gravidique), caractérisée par une HTA et une protéinurie survenant au-delà de vingt semaines de grossesse. La morbi-mortalité est importante : pour la mère le risque d'éclampsie (convulsions), d'insuffisance rénale, d'œdème pulmonaire, d'AVC, et de décès ; pour le fœtus, le risque de retard de croissance intra-utérine, de prématurité et de décès.
Aucun test de dépistage fiable n'est disponible pour identifier les femmes à risque. Le traitement antihypertenseur n'améliore pas le devenir du foetus, et la seule « cure » reste l'accouchement.
La ou les causes demeurent inconnues. Deux anomalies sont centrales : une insuffisance vasculaire placentaire et une dysfonction endothéliale chez la mère.
Facteur anti-angiogénique.
L'an dernier, Karumanchi et coll. (Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston) ont identifié un facteur causal hypothétique : la protéine circulante sFlt-1 (soluble fms-like tyrosine kinase 1) anti-angiogénique qui est augmentée dans le placenta et le sérum des femmes prééclamptiques. Cette protéine adhère aux facteurs angiogéniques VegfF (Vascular Endothelial Growth Factor) et Pigf (Placenta Growth Factor), et, ainsi, les empêche d'interagir avec les récepteurs endothéliaux, s'opposant à leurs effets angiogéniques (croissance des petits vaisseaux) et vasodilatateurs. L'injection de sFlt-1 chez des rates gravides induit une prééclampsie.
Dans une étude cas-témoins, Levine (National Institute of Child Health and Development, Bethesda), Karumanchi et coll. ont analysé les échantillons sanguins archivés d'un sous-groupe des femmes enceintes de l'étude de « prévention de la prééclampsie par le calcium », randomisée, chez plus de 4 500 nullipares en bonne santé (qui n'a pas montré d'effet préventif du calcium).
Chez 120 femmes qui ont développé une prééclampsie et 120 femmes témoins (normotensives appariées), on a dosé les taux sériques des facteurs angiogéniques (sFlt-1, Pigf libre, Vegf libre) tout au long de la grossesse (début, milieu et fin).
A la prééclampsie, les taux de sFlt-1 sont trois fois plus élevés que chez les femmes témoins. De plus, les taux sanguins de sFlt-1 commencent à s'élever environ cinq semaines avant le développement de la prééclampsie.
De même, les taux de PlGF sont significativement plus faibles chez les femmes qui développent ultérieurement une prééclampsie, dès les 13e à 16e semaines de grossesse, la plus grande différence, survenant plusieurs semaines avant la prééclampsie, coïncidant avec l'élévation de sFlt-1.
Ces résultats étayent l'hypothèse selon laquelle des facteurs angiogéniques circulants joueraient un rôle biologique important dans la prééclampsie.
Freinage trop tôt, trop fort.
« Il semble que la prééclampsie soit en fait une exacerbation de l'état anti-angiogénique de la grossesse normale à terme », explique le Dr Karumanchi. « Dans la prééclampsie, les freins angiogéniques sont actionnés trop tôt et trop fort. »
« Nos résultats pourraient éventuellement permettre aux médecins d'identifier la prééclampsie à un stade plus précoce », ajoute-t-il.
Toutefois, des études longitudinales prospectives sont nécessaires, pour mieux évaluer la valeur prédictive de ces deux marqueurs.
Cette découverte soulève aussi l'espoir de pouvoir prévenir et traiter la prééclampsie, selon le Dr Levine, grâce au développement de médicaments qui se fixent au sFlt-1.
Le Beth Israel Deaconess Medical Center a déjà déposé des brevets sur des méthodes de diagnostic et de traitement de la prééclampsie.
Selon les Drs Solomon et Seely (Brigham and Women's Hospital, Boston), auteurs d'un éditorial associé, « ces résultats sont intéressants mais des questions demeurent ». Les résultats, notent-ils, suggèrent que d'autres facteurs maternels et placentaires pourraient aussi affecter la survenue et l'expression de la maladie.
« New England Journal of Medicine », 12 février 2004, pp. 672 et 641.
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